Skulldigger est un justicier violent sévissant au cœur de Spiral City, sorte de décalque assumé des Gotham et autres archétypes de la métropole étasunienne : son principal penseur, Jeff Lemire, se révèle être ainsi bien plus qu’un simple auteur notable, celui-ci ayant à son actif déjà officié pour les majors du comic book et au-delà. Le cas de Black Hammer est tout particulièrement intéressant à l’aune de ses prétentions référentielles et l’hommage, le présent « vigilante » l’illustrant fort bien : un zeste de Punisher et beaucoup de Batman au programme de ce one-shot intrigant.


Il est toutefois des plus frustrants que de découvrir l’unicité de ce volume, lui qui est loin, très loin de se suffire à lui-même : sa conclusion résolument ouverte laissera en suspens la majorité de ses arcs narratifs, aussi serait-il curieux qu’une suite ne voit pas le jour. Une hypothèse qu’il convient de mettre ensuite de côté pour nous concentrer sur l’existant, lui qui compose en tant que tel une semi-déception : car si Skulldigger + Skeleton Boy n’est pas foncièrement mauvais, ses choix tranchés ne sauraient suffire à en atténuer la redite scénaristique.


Croisant les destins de Bruce Wayne, Dick Grayson et Frank Castle, le comic book oppose les générations dans un récit somme tout classique, la propension chaotique de Grimjim n’évoquant que trop bien celle du Joker. Le gangster immortel diffère toutefois de son homologue en raison de ses motivations, moins nébuleuses en l’exergue : un vecteur de choc entre les époques, Lemire développant ainsi en filigrane la jeunesse du Skulldigger et les racines d'une partie du super-héroïsme local.


Le « coming-out » de Tex, ancien justicier affublé (pour un temps) d’un énigmatique acolyte, liera le tout en une petite galerie ne demandant qu’à imploser. Le quotidien bouleversé de Matthew, ivre de vengeance malgré son jeune âge, croisera pour sa part son destin avec celui du Skulldigger, propulsé mentor (presque) contre son gré : répétition du schéma quand tu nous tiens. L’ensemble n’est pas déplaisant mais, mis bout à bout, cela ne crève pas le plafond : rien d’extraordinaire si ce n’est une violence débridée à l’échelle du registre, comme pour mieux marquer la distinction avec ses modèles.


Le parallèle est toutefois trop prégnant pour passer outre, à raison de plus que c’est le classicisme caractéristique de l’œuvre qui prime. Dans le même temps, nous resterons sur notre faim concernant le style de Tonči Zonjić, ses lignes claires tranchant avec l’atmosphère résolument noire de Skulldigger + Skeleton Boy. L’édition d’Urban Comics est d’ailleurs trompeuse, la couverture employée étant signée Mike Deodato Jr : une sorte de promesse non tenue. Parler de semi-déception n’était donc pas exagéré, même si nous ne dirions pas non à une prolongation de l’affaire – elle en a grandement besoin.

NiERONiMO
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le 3 août 2023

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