On a eu peur !
Craig Thompson qui fait de la SF ? Qui abandonne ses récits oniriques et touchants pour s'envoler vers des cieux loufoques et colorés ? Qui s'aventure sur les terres de la BD jeunesse ?
Ça fait quelques mois que la version originale me fait de l’œil, fan de Blankets oblige, mais je restais sceptique. Changement trop radical à mes yeux, couverture un peu passe partout, titre farfelu, j'avais peur que Craig Thompson perde sa place dans mon panthéon des auteurs de roman graphique. Puis voilà que la traduction sort chez Casterman et finalement je craque.
Place donc à la couleur, à la science-fiction et à mille et un clins d’œil pour le lecteur averti. Nous suivons Violette, jeune fille bouillonnante et curieuse, qui vit avec ses parents dans un mobile-home de l'espace. Son père ne fait pas le travail le plus envié de l'univers, il ramasse des étrons de baleines spatiales. Mais le jour où leur coin de galaxie se retrouve englué dans une vraie diarrhée de cétacé le voilà qu'il disparait. Violette va alors partir à sa rescousse accompagnée de ses amis Elliot, petit poulet qui philosophe à tour de bras, et Zacchée, lumpkin bagarreur, dernier survivant de son espèce.
La question du public ciblé me tracasse même une fois la lecture finie. Les quelques critiques sur la VO que j'ai pu parcourir n'hésitent pas à en faire de façon catégorique une BD jeunesse, et je dois avouer que j'ai du mal à me ranger pleinement à cet avis. Il est vrai que l'héroïne et ses compagnons sont très jeunes, qu'une bonne partie des ressorts comiques utilisés plairont aux enfants (et peut-être moins aux adultes) et que nous sommes loin de ses deux précédents titres mais les thèmes traités, les références parsemées, le détail apporté à certaines cases permettent à un adulte de pleinement apprécier 'Space Boulettes'. Craig Thompson y aborde la question environnementale ou le système éducatif américain, évoque les inégalités sociales ou l'utilisation du progrès technologique, cite Star Wars, Karate Kid, la Bible ou Battlestar Galactica. Tout cela a même poussé l'éditeur français à insérer une postface intéressante expliquant les choix de traduction.
Le récit est donc émaillé de nombreuses références, dans les dialogues comme dans le dessin, et l'intrigue, si elle ne brille pas par sa profondeur, est suffisamment intelligente et fun pour m'avoir poussé à dévorer le beau pavé qu'est 'Space Boulettes'. La note peut paraitre un peu élevée, mais elle retranscrit bien la peur qui m'assaillit lorsque je déballais le titre à la librairie il y a quelques mois, sentiment de courte durée une fois la lecture entamée.