critique de la bd SPEAK
Histoire touchante de la reconstruction d'une jeune lycéenne après avoir été victime d'un viol par un ancien camarade. Jolis dessins, les pages se tournent presque toutes seules, le dialogue est...
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le 3 mai 2024
Quel est donc le problème de Melinda? Pourquoi se mure-t-elle dans son silence? L’année dernière encore, c’était une adolescente joyeuse et sans histoires, qui aimait passer du temps avec ses copines et se déguiser pour Halloween. Mais depuis la rentrée, tout a changé: on dirait que Melinda n’est plus la même personne. Plus rien ne l’intéresse, la plupart des choses lui semblent insurmontables, et elle brosse régulièrement les cours. La seule personne qui parvient plus ou moins à capter son attention, c’est le professeur d’art plastique. Sa classe est l’un des rares endroits où Melinda réussit encore à sortir un peu de sa coquille. Partout ailleurs, elle est comme absente, ce qui fait plonger ses résultats scolaires de manière abyssale, au plus grand dam de ses parents. Pour ne rien arranger, tous les autres élèves du lycée se détournent d’elle. Même Rachel, qui était pourtant sa meilleure amie jusqu’à l’année dernière. Ce qu’on lui reproche est très clair: Melinda a gâché la fête de Kyle cet été en appelant les flics. Depuis lors, tout le monde ou presque la traite comme une paria. Ses parents se doutent bien que quelque chose ne tourne pas rond, mais ils ont leurs propres problèmes de couple et de travail à régler. Ils se disent que ça va bien finir par lui passer. Ce que tous ignorent, c’est que lors de cette fameuse fête où Melinda a appelé la police, la jeune fille a été victime d’un viol. Pire encore: elle continue à voir son agresseur tous les jours puisque c’est un élève de l’école. Mais Melinda est comme paralysée: elle n’arrive absolument pas à parler de cette angoisse terrible qui la ronge de l’intérieur depuis qu’elle a été violée…
"Speak" est l’adaptation très réussie d’un roman de Laurie Halse Anderson, sorti il y a une vingtaine d’années. Dans cette version graphique, Emily Carroll parvient à nous faire vivre de l’intérieur le quotidien infernal d’une adolescente qui a été violée et qui n’arrive pas à le dire à ses proches. Tout en nuances et en sobriété, "Speak" décrit de manière bouleversante le traumatisme vécu par Melinda, qui est rejetée par tout le monde alors que c’est pourtant elle la victime. Le récit est terrible, mais il est éclairant. Tout au long de la lecture de cette BD, on a envie de secouer les parents, les professeurs et les amis de Melinda. Comment ne voient-ils pas sa souffrance? Pourquoi ne se posent-ils pas les bonnes questions? Quand est-ce que l’un d’entre eux va enfin ouvrir les yeux? En même temps, chacun d’entre nous peut se reconnaître dans cette attitude vis-à-vis de Melinda. Pour ses proches, le changement de comportement de la jeune fille est forcément lié à son adolescence. Du coup, ils ne creusent pas plus loin. Evidemment, ils ont tort, mais comment pourraient-ils le savoir? C’est ce qui fait la force de "Speak", à coup sûr l’une des BD les plus fortes de ce début d’année 2019. Sans jamais verser dans la moralisation ou la dénonciation, l’autrice canadienne Emily Carroll livre un récit juste et touchant sur les dégâts psychologiques terribles provoqués par une agression sexuelle.
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Créée
le 22 janv. 2019
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