Parodie des émissions culinaires qui font fureur à ce moment à la télévision, "Starve" en propose une version hyperbolique qui se mue en critique de notre société de consommation fondée sur le modèle capitaliste. Un propos politique, dans une fiction énergique, mais pas toujours très subtile.
Scénariste prolifique, Brian Wood marque son travail d’une conscience politique manifeste. On l’avait clairement senti dans le précédent volume publié par Urban Comics, Rebels, qui posait la question de l’existence et de la définition d’un patriotisme de gauche aux États-Unis à travers diverses chroniques consacrées à la Guerre d’Indépendance.
Avec Starve, c’est aux dérives actuelles du monde capitaliste qu’il entend s’attaquer, en croisant dans un même élan critique de la société de consommation et satire de la société de spectacle. Pour cela, il imagine une émission de télévision culinaire qui ne connaîtrait plus aucune limite, pur produit cathartique destiné à des masses abruties et dominées par quelques privilégiés, au sein d’un monde dévasté par des crises politiques, économiques et écologiques.
Le récit s’articule autour de la figure de Gavin Cruikshank, à qui la possibilité d’une revanche sur ceux qui ont précipité sa chute ouvre la voie vers une rédemption. Cuisinier star d’un monde désormais aboli, il a vu son bébé, l’émission "Starve", dériver vers un modèle corrompu, emblème de la déchéance des nantis. Disparu des radars cathodiques pendant plusieurs années, le voilà contraint d’effectuer un grand come-back sous le feu des projecteurs.
L’occasion de récupérer les commandes de "Starve", l’argent qui va avec, ainsi que sa notoriété passée. Et ce faisant de pouvoir reprendre contact avec sa fille qu’il avait perdu de vue lors de sa séparation avec son épouse, viré de chez lui qu’il fut par une furie qui ne lui pardonna pas d’avoir viré sa cuti.
Le principe de Starve se veut donc assez séduisant. Le monde dépeint, médiatique et social, amuse par la caricature qu’il offre de ces compétitions télévisuelles outrageusement mises en scène, à la dramaturgie préfabriquée et aux règles élastiques. La version offerte des fameuses "batailles des cuisines", ici envisagées au sens propre, avec bastonnade à coup de poêle dans le museau s’avère assez savoureuse.
Malheureusement, propos et intentions s’avèrent desservis par des personnages grossièrement taillés, une intrigue sirupeuse et des péripéties qui sentent le réchauffé. L’ensemble manque de finesse et si le côté brut peut apparaître de prime abord alléchant, on aurait souhaité, finalement, quelque chose d’un peu plus cuisiné.
Chronique originale et illustrée sur ActuaBD.com