Step Up Love Story
4.9
Step Up Love Story

Manga de Katsu Aki (1997)

L'itinéraire d'un frustré en convalescence qui s'est farci les 50 tomes pour passer le temps

Un choc en début de soirée un dimanche 30 juillet. Ma voiture fait une embardée et me voilà transporté à l'hôpital. Le verdict tombe : me voici en incapacité de travail jusqu'au 1 septembre. Forcé de rester au repos à la maison tout en devant annuler mes sorties déjà prévues, il était indispensable de meubler mes journées pour ne pas devenir fou. Pour tenir sur une aussi longue durée entre deux films, l'idée de me lancer dans le fameux "Step Up Love Story" et ses 50 tomes au compteur m'apparut comme une bonne idée, surtout depuis le temps que je connais cette série. Conscient des mauvais retours, hélas, ma modeste opinion rejoindra les autres. Et ce n'est non sans une pointe de frustration d'avoir perdu mon temps mêlée à la rage d'avoir passé tout un mois d'août sans activité sociale que je sors ma plume agressive. Ainsi, vous êtes prévenus que je ne serai pas du tout tendre dans mon avis (la minerve n'arrangeant rien pour calmer mes ardeurs).


Sans plus tarder, commençons cette critique.


8h30. Le réveil sonne. Un dessinateur japonais se lève péniblement de son lit sur lequel trône encore quelques mouchoirs sales dont la décence m'interdit de dire ce qu'il s'y retrouve. La tête un peu en vrac, il sort faire ses courses. Il a été mis au courant que le prix des nouilles a augmenté sans doute à cause à la guerre en Ukraine, ce pays où tout semble y être cultivé et fabriqué. Un petit détour par la banque s'impose. Lui, il est comme ça. Il préfère payer en nature. Cette expression est un sacerdoce à ses yeux et puis un clin d'oeil à son oeuvre est toujours bienvenue. En observant le solde de son compte, un frisson lui parcourt l'échine. La goutte de sueur ruisselle le long de son visage. Au vu du contexte inflationniste, il n'a pas d'autre choix pour assurer son train de vie correct. Il est impératif de continuer sa série. L'argent doit rentrer par tous les moyens quitte à tirer en longueur sur une série qui a actuellement 26 ans au compteur dans son pays d'origine.


Pour cela, il ne fait montre d'aucune inquiétude. Grâce à tous les mous du bulbe l'encourageant dans son éternel cheminement dans lequel il s'est depuis longtemps égaré, il s'y attelle confiant. Mais de quoi peut bien nous conter "Step Up Love Story" qui en est tout de même à 89 tomes ? Précisons que Pika a stoppé au 50ème tome car les ventes étaient devenues catastrophiques depuis un peu trop longtemps. Leur seule bonne idée d'arrêt de série. Ainsi, le lectorat de la langue de Molière aurait-il plus de discernement et de perspicacité que son homologue otaku la main rivée dans le slip à la lecture du 89ème tome ? Le constat me semble sans appel.


Parce que, qu'on se le dise, il faut être sacrément sûr de son coup avant de s'embarquer dans un projet aussi long. Et il ne peut y avoir que 2 cas de figures. Soit, vous avez élaboré un scénario très long et qui plus est en béton armé. Soit, l'appât du gain a eu raison de votre honneur de mangaka et vous tentez de surfer péniblement sur un succès aux relents sérieusement malodorants. Qu'on se le dise, ce deuxième cas est le plus fréquent. Ceci explique mon aversion pour les mangas de plus de 40 tomes à quelques exceptions près (Zipang, Berserk, Ushijima). Step Up reste (et restera) à ce jour ma plus longue série lue, sans que je n'en tire du tout une quelconque fierté. Si ce n'est celle d'avoir tenu bon jusqu'au 50ème tome. Je suis comme ça. Quand je me lance dans une BD (manga ou non), je veux tout finir quand bien même le tout pue le sushi défraîchi. Le timing fut bon puisque je refermais ce dernier volume la veille de ma reprise du travail. Haut les coeurs, je pourrai passer à d'autres lectures de plus haut niveau.


Donc, disais-je, que peux bien nous raconter Step Up ? En fait, cette histoire se présente comme un guide d'initiation sexuelle suivant le quotidien de Yura et Makoto qui se sont rencontrés et dit oui via un mariage arrangé. Nos deux tourtereaux qui n'avaient encore jamais approché Eros de près vont découvrir, en notre compagnie, les plaisirs de la sexualité. C'est donc un filon en or que tient Katsu Aki pour faire face à cette inflation que l'on soupçonnera sérieusement d'être en partie artificielle. Mais là est un autre débat.


Moi qui suis un adorateur patenté du seinen depuis toujours, je ne cache pas avoir dû mordre sur ma chique. Si le shonen ne passe pas, moyennant quelques très rares exceptions qui tiendraient sur les doigts d'une main, ne parlons même pas du shojo (si l'on épargne "Banana Fish" étonnamment classé dans ce style). Je hais les dessins enfantins, ou comme diraient les passionnés "kawai". Arrivé à un certain âge, je suis persuadé qu'il faut savoir sortir de ce monde mielleux. C'est probablement ce qui explique cette puérilité d'une portion un peu trop tristement représentée du lectorat par chez nous qui est bloquée au stade de l'adulescence.


Sauf que Step Up est bel et bien un seinen mais qui reprend à la lettre tous les codes des mangas pour enfants (appelons un chat, un chat). Les dessins sont infâmes et peu détaillés. Les expressions faciales sont répétitives et prêtent au malaise. Le coup des grands yeux illuminés et des visages tout rouges, ça m'aurait peut-être fait marrer à 10 ans. Sauf que j'en ai plus du double. Nous noterons aussi cette fâcheuse manie de serrer les poings (surtout pour Yura) lorsqu'elle est contrariée ou énervée. On a vraiment l'impression d'avoir face à nous une enfant dans sa caricature poussée à l'extrême. Je vous rassure, Makoto ne rattrapera pas le coup, bien loin de là. D'un côté, vous avez une cruche qui se la joue prude et de l'autre un needy qui ferait passer les incels pour des modèles de fierté. Le problème est qu'ils ont plus de 25 ans et ne jouent (normalement) par conséquent plus dans le bac à sable du parc de Shibuya.


Ainsi, le duo se révèle être insupportable. Pas d'étonnement sur ça. Cependant, ce n'est pas la première raison rendant quasiment imbuvable le manga. Le défaut numéro 1, c'est son semblant d'histoire que Katsu Aki va tirer en longueur (toujours pour payer sans difficulté ses nouilles, rappelez-vous) avec une motivation herculéenne. Et peu importe s'il faut avoir recours au plagiat éhonté d'éléments d'anciens tomes tant que l'histoire de Yura et Makoto puisse continuer. Et croyez moi que vous allez en bouffer. C'est bien simple, il nous est impossible de différencier les tomes l'un de l'autre tant tout se répète au-delà de la satiété.


Yura et Makoto se tapent tous les love hotel de Tokyo. Ils partent constamment en vacances. Ils se baladent, participent à des événements pittoresques ou non. Makoto va au bureau tous les jours avec les mêmes répliques quotidiennes (ses deux collègues lourds fiers de pratiquer le harcèlement au travail et Sugiyama qui persiste désespérément de le rendre infidèle). La chose pourrait passer sur une échelle de longueur beaucoup plus courte. Mais en ayant été mis au parfum avec les 89 tomes en cours, vous aurez aisément conclu que le schéma devient finalement plus une formalité qui n'en amène qu'à lasser le lecteur qui ne rêve que d'être surpris. Au moins juste une fois ! Une toute petite fois !


Mais rien à faire, pour Katsu Aki, surprendre le lecteur n'est pas nécessaire. Créer une intrigue un tant soit peu valable est inutile. Step Up c'est une ode à la récurrence, une glorification à l'aseptisation. Tout est prévisible dès l'instant où le semblant d'action a démarré. Et surtout, il n'y a ni tension, ni suspense, ni de place au doute. Step Up c'est du mielleux, du niais, du cul-cul plus que de raison qui n'a aucune honte à s'assumer. Chaque problème est expédié aussi vite que le colombin que l'on décharge après un menu 3 services un peu trop corsé au resto indien. Les dangers n'en sont pas puisque l'on sait qu'il y aura toujours un revirement de situation en amour de l'amour pour sauver leur fidélité. Yura et Makoto sont le couple parfait que rien ne peut atteindre. Pas même le soleil. Bon Dieu, j'en ai vu des personnages idéalisés dans la BD mais à ce point là, c'est une première. Serait-ce vraiment la naïveté aberrante de son auteur pour qui tout le monde est beau et gentil ou du clientélisme pour ravir les attentes au ras des pâquerettes des lecteurs au cerveau atrophié la bave au coin de la bouche ? Le doute peut être de mise.


N'oubliez pas que Step Up se présente comme un "guide d'éducation sexuelle". Un Kamasutra alternatif japonais pour ados puceaux boutonneux. Mais pensez vous qu'un guide d'éducation puisse tenir sur 50 tomes (ne parlons même pas des 89) ? La réponse est non forcément. Les coucheries se suivent et se ressemblent avec la cadence d'un métronome dans 99% des chapitres. On se farcit des statistiques dont l'on se fout éperdument et qui, là aussi, se répètent. On sent qu'il est fatigué Katsu Aki, qu'il persiste par tous les moyens possibles malgré le manque d'idées. Jusqu'aux répliques durant l'acte sexuel, les discours sont les mêmes. Le process est identique. Je peux vous le décrire brièvement (avec l'aide d'astérisques pour contrer la censure).


- Léchage de tétons puis c*nnilingus

- "J'y vais" (réplique de Makoto)

- Une ou deux positions vu que Makoto est é*culateur précoce

- "Yuraaa", "Makotooo" (l'expression verbale de leur amour immodéré)

- "Je vais é*culer" (réplique de Makoto)

- "Vas-y" (réplique de Yura)

- Grand dessin de Yura au summum de la jouissance avec le "Haaaaaa" de rigueur


Vous pouvez comparer et vous verrez que ce que j'ai écrit là n'en est pas éloigné du réel. Même les bruits ("Slurp", "Han", "Gnic", "Flitch" par ex) sont vus aux mêmes endroits. Il y a bel et bien quelques légères variantes dues à des expérimentations mais le leitmotiv est le même. La finalité également. Quand bien même les années passent, il n'y a aucune évolution comportementale de Yura et Makoto. Les deux sont toujours des gamins dans leur tête, réagissent de la même façon au lit. Un problème de sexualité pour l'un, puis pour l'autre, puis à nouveau pour le premier, etc. Le bébé est un projet vague qui ne pointera jamais le bout de son nez (chez nous tout du moins) et qui n'est qu'un prétexte pour allonger l'histoire.


Je ne sais pas mais dans les séries que j'ai lu, je voyais plus ou moins qualitativement les personnages évoluer, grandir ou régresser. Mais ici, rien ! Même pas la moindre ébauche de tentative ! Sur l'échelle de la facilité, Step Up est un modèle du genre, qu'on se le dise. La seule chose qui varie, ce sont les rapports sexuels entre les personnages secondaires (sauf pour Saint-Makoto et Sainte-Yura). C'est ce qui donnerait presque un sens au récit qui ne peut compter que là-dessus pour tenir d'un yoctomètre l'intérêt du lecteur malchanceux. Ca rompt puis ça se remet. Ca se cherche et ça se trouve. Ca ne se plaît pas mais ça finit ensemble. Encore une fois avec une facilité déconcertante. Jamais les rapports humains n'ont parus aussi faciles. Ca ne m'étonne pas que des otakus au cerveau ravagé par les hentai aient une vision biaisée de la vie à force de se noyer dans ce salmigondis pseudo-littéraire. Pire encore, Aki les encourage en multipliant à l'overdose les fantasmes de Makoto à chaque tome, s'imaginant avec les femmes dans son lit mais attention n'oubliez pas que c'est un être pur et même quand l'ambiance est chaud bouillante, il tient sa saucisse en laisse. On lui décernera le prix du gars qui a le plus touché de corps nus accidentellement sans ne jamais craquer une seule fois. Des accidents dont la tournure est toujours la même.


Au passage, il serait bon aussi de leur préciser que oui c'est possible que les conversations entre individus ne tournent pas autour du cul et que l'on peut entretenir des dialogues sans dévier 2 secondes après dans le graveleux. Je dis ça car ils/elles en parlent comme l'on parlerait à nos camarades dans la cour de récré du dernier épisode du dessin animé à la mode (pour rester un peu dans l'atmosphère immature du titre). Mentionnons que le prétendu humour ne ferait pas rire un clown sous Poppers.


En arrivant ici, je me rends compte que je venais de perdre 1h de ma vie à la rédaction de mon torchon. Mais qu'est-ce qu'une heure face à toutes celles que j'ai investi dans les 50 tomes ? On en est plus à ça près vous allez me dire. Et pour les intéressés, sachez que je n'ai pas investi un cent dans cette collection que j'ai eu la joie d'obtenir par des moyens, dirons-nous, détournés. La joie fut de taille quand on voit à quel point Step Up est un naufrage sous toutes les coutures (dessins, histoire, progression et j'en passe). Tout pue le manga de commande qui aurait dû se terminer déjà depuis bien longtemps. Toutefois, quand on a des fidèles qui vous encouragent dans votre délire et votre inexistence d'intégrité morale, ne voyant aucun inconvénient à évoluer à l'instar de notre couple, pourquoi arrêter me direz-vous ? Au moins, Pika aura eu l'audace de mettre un terme à cette mascarade. Reste à voir si l'éditeur japonais aura le même cran de dire "STOP".

MisterLynch
2
Écrit par

Créée

le 31 août 2023

Critique lue 58 fois

MisterLynch

Écrit par

Critique lue 58 fois

Du même critique

Qui veut tuer Jessie ?
MisterLynch
9

Rêvez mieux Messieurs, dames

Depuis un petit temps, je me suis rendu compte à quel point la Nouvelle Vague tchécoslovaque recelait de petites pépites toutes plus fantaisistes et inventives les unes que les autres. Une bien belle...

le 26 juil. 2021

5 j'aime

3

Malmkrog
MisterLynch
4

Que tout ceci est époustouflifiant !

Au démarrage de cette critique, je suis à la fois confus et déçu. Confus parce qu'il m'est bien difficile de mettre des mots sur ma pensée et déçu parce que Cristi Puiu était considérablement remonté...

le 25 juil. 2021

4 j'aime

9

Ménilmontant
MisterLynch
9

Là où tu iras, il n'y a pas d'espoir

Ce n'est que tardivement que j'ai connu Dimitri Kirsanoff dont j'eus le plaisir de faire un démarrage en fanfare dans sa filmographie. Ménilmontant c'est avant tout une entrée en matière d'une...

le 5 mars 2021

4 j'aime

1