Japan Girls aux US par des Européens: accrochons-nous!

Sukeban Turbo a la particularité d’être un projet mené avec le scénariste français Sylvain Runberg (Orbital, Cases Blanches, Mic Mac Adam, Millenium ou encore Le Chant des Runes, entre autres). C’est en effet fort du lien qu’il avait noué avec Victor Santos qu’Olivier Jalaber, directeur éditorial du label Glénat Comics, lui a proposé de produire une nouvelle série en France pour ensuite l’exporter aux États-Unis. De son côté, Sylvain Runberg avait cette idée d’implanter les sukeban japonaises dans un contexte new-yorkais, idée qui ne pouvait que plaire à Victor Santos, qui puise ses inspirations culturelles dans le cinéma non seulement américain mais aussi japonais.


Mais qu’est-ce que les "sukeban" ? Des adolescentes japonaises rebelles, organisées en bandes violentes, qui bouleversèrent la société du Japon dans les années 1960. Un phénomène aussi inquiétant que fascinant pour leurs contemporains, qui se déploya notamment à travers de multiples représentations cinématographiques. Le volume lui consacre d’ailleurs un excellent dossier (en plus d’interviews des auteurs et d’éléments sur l’élaboration des planches et la recherche autours des personnages).


Sukeban Turbo imagine ce que donnerait ce modèle transposé de nos jours, à New-York, à travers une bande de jeunes filles, tombées par hasards sur de vieux films à la gloire de ces délinquantes. Shelby et ses copines s’identifient aux sukeban jusqu’à revendiquer leur nom et sèment le chaos dans leur environnement.


À partir de là, l’intrigue se déploie dans plusieurs directions : le trafic de drogue et la guerre de gangs dans lesquels nos héroïnes sont impliquées, le destin du leader d’un boys band, cousin de Shelby, et donc l’histoire familiale de celle-ci et le milieu dans lequel elle évolue.


Sur le papier, Sukeban Turbo a donc de quoi séduire. Et le travail de Victor Santos, bien qu’un peu raide et flashy, se révèle intéressant, notamment par son utilisation de l’aquarelle. C’est du côté de l’intrigue et de la construction des personnages qu’on émettra des réserves.


La violence dont fait preuve l’héroïne, Shelby, ne trouve pour le moment ni explication, ni justification, ce qui rend très difficile d’éprouver la moindre empathie pour le personnage. Ni grandeur, ni mal-être, juste une envie de se faire de l’argent et de se passer les nerfs sur tous ceux qui croisent sa route. Car Shelby n’a rien non plus d’une anti-héroïne aux transgressions jubilatoires, tels John Constantine (Hellblazer) ou Jesse Custer (Preacher). De même, la descente aux enfers de son alter ego de cousin apparaît assez abracadabrantesque et peine à convaincre.


On attendra donc de voir ce qui, dans le prochain volume, pourra donner une perspective au récit et un sens au destin de nos héros, mais pour l’heure on demeure assez circonspect quant aux intentions de cette histoire.


Chronique originale et illustrée sur ActuaBD.com

seleniel
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le 7 févr. 2017

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