Supergod est une mini qui fait partie d’un cycle en trois parties (Black Summer, No Hero et Supergod). Elles n’ont pas de liens au niveau de l’histoire mais plus au niveau du thème.
Le scénariste nous lance directement dans son histoire vu qu’on arrive à la fin. On apprend ce qui s’est passé via une conversation qui amène des flashbacks. Le fait de le savoir permet d’avoir du recul et une analyse froide et concise. L’écriture d’Ellis fait en sorte qu’il n’y a pas ou très peu de dialogue mais juste un long monologue créant une distance volontaire entre les personnages mis en avant et le lecteur renforçant le côté supérieur aux humains. L’inconvénient, c’est que cela donne l’impression d’avoir une sorte de linéarité dans l’intrigue, tout comme le fait d’arriver à la fin peut donner l’impression d’un manque d’enjeu dans l’histoire. Mais je pense que tout cela est fait pour faciliter son analyse des super et aller le plus loin possible.
Lorsque Warren Ellis interrompt Stormwatch pour lancer Authority, il aborde alors la pro-activité des surhommes dans le monde et leur place. Avec Authority, il met en avant le côté anarchique du groupe, vivant au dessus de ceux qu’il protège pour mieux agir, affrontant des menaces d’ampleur gigantesque (même Dieu). Jenny Sparks et ses amis deviennent alors des sortes de dieux interventionnistes aux yeux du commun des mortels, le concept sera poussé plus loin par Millar qui fera agir le groupe au niveau des politiques du monde.
Par la suite Warren Ellis écrira Black Summer qui met en avant des héros bien trop humains puis No Hero où ces derniers renoncent à ce qui fait d’eux des humains. Avec Supergod, le scénariste finit plus ou moins sa réflexion en montrant des héros qui n’ont rien d’humain. Les soit-disant héros de Supergod sont en fait des êtres au dessus de la condition humaine avec leur propre schéma de pensée. Ces héros ne sont en fait quasiment pas humains mais des caricatures, leurs pouvoirs leur font voir les choses différemment de nous. Lorsque l’on suit les péripéties de Krishna, on voit bien que cet être répond à un objectif précis et reste un héros mais ses créateurs ne pensaient pas que sauver l’Inde passerait par l’extermination de la population et la destruction des villes. Krishna remplit sa fonction avec sa propre vision et fait ce qui lui semble le mieux mais pas ce qui l’est pour nous.
Bien qu’Ellis fasse de ses super-héros des dieux, on se rend bien compte que le comportement est celui d’enfants n’en faisant qu’à leurs têtes sans avoir une vision globale des choses.
Si le principe est intéressant de même que l’univers et la réflexion. J’ai trouvé dommage que Warren ne prennent pas plus le temps de développer le tout. Je trouve que sa réflexion aurait été plus pertinente et importante s’il avait fait plus de numéros. A l’époque de la décompression, Ellis a fait une bonne intrigue pas trop longue mais qui aurait mérité d’être plus développée pour avoir plus d’ampleur et d’impact. Ces cinq épisodes bien que très bons laissent une sorte de goût d’inachevé (surtout dans la réflexion).
On retrouve aussi d’autres marottes du scénariste comme la technologie, l’alliance humain/machine, la religion et les extra-terrestres.
Au dessin, c’est Garrie Gastonny qui officie. Je ne connais pas ce dessinateur qui a un trait agréable, proche d’un Barry Kitson. Les planches ont un découpage agréable et standard, les cases sont très bien remplies, les visages expressifs, les scènes d’actions tombent bien et le dessinateur semble à l’aise pour tout dessiner y compris des créatures sorties de l’univers de Lovecraft (un clin d’oeil d’Ellis à n’en pas douter).