Must have absolu
Swamp Thing, un personnage que j’ai découvert réellement avec la magnifique série de Scott Snyder. Une série profonde, intelligente et ouvert sur de nombreux axes de lectures. Malheureusement, nous...
le 13 mars 2020
3 j'aime
Comics de Tom King, Len Wein, Berni Wrightson, Nestor Redondo et Kelley Jones (1972)
Profitant de la sortie récente de la série Swamp Thing, Urban Comics a pris la décision de rééditer les comics cultes autour du personnage, à savoir sa création par Len Wein et Bernie Wrightson dans les années 70, puis le run tout aussi culte d'Alan Moore. Une sacrée aubaine pour découvrir la Créature des Marais dans de beaux ouvrages verts comme la mousse.
Le premier "chapitre" de cette intégrale est une histoire en 8 pages tirée d'un magazine de BD d'horreur, House of Secrets. Car oui, à l'origine, Swamp Thing avait été pensé comme un monstre de film d'horreur gothique à la Frankenstein.
Et cette influence de l'imaginaire des monstres classiques se ressent énormément dans le run de Len Wein. La créature rappelle par bien des aspects celle de Frankenstein, et plus particulièrement celle du roman d'origine. On retrouve chez ces deux personnages une dimension tragique, eux qui cherchaient simplement à se faire accepter par le monde des hommes, mais finiront inexorablement rejetés, haïs et pourchassés. Les deux auteurs poussent avec Swamp Thing l'idée encore plus loin, car leur créature est incapable de parler, ce qui l’empêche de pouvoir communiquer avec ceux qu'elle croise et de dire clairement qu'elle n'a pas d'intentions négatives et fatalement l'éloigne encore des hommes avec lesquels elle voudrait juste vivre en paix. Dans le livre Frankenstein, face à cette absence totale d'amour de la part de l'humanité, la créature devient mauvaise, alors qu'ici Swamp Thing tente de rester aussi bonne que possible. La différence fondamentale étant que la créature de Frankenstein est née sans identité et a grandi sans père, alors que Swamp Thing était humain et s'est donc construit un système moral qui la pousse à faire le bien. Choix conscient des auteurs ou pas, ce traitement de la créature des marais place celle-ci comme une sorte d'anti-Frankenstein.
De plus, à de nombreuses reprises, la créature se retrouvera à affronter des menaces surnaturelles diverses issues des imaginaires de pulps (extra-terrestres, dinosaures), de récits gothiques (savant fou, loup-garou) et de films d'horreur de la Hammer et d'Universal (une histoire met explicitement en scène un monstre de Frankenstein), ce qui fait qu'en protégeant les humains des monstres, elle devient un paria pour les monstres eux-mêmes, et n'en est alors que plus seule et plus amère. Le comics se conclut d'ailleurs sur une note plus amère que douce, car pour les monstres, le monde des hommes restera à jamais inaccessible, quelle que soit leur vertu.
Les deux auteurs jouent avec tous ces imaginaires sans chercher à créer une vraie cohérence entre eux. L'histoire est censée se situer dans les années 70, mais un chapitre met en scène une jeune femme poursuivie pour sorcellerie par une foule en colère comme au XVIIIème siècle, dans un autre, on est en pleine Écosse brumeuse dans une ambiance rappelant le Chien des Baskerville, et à coté de ça, un chapitre montre la créature se faire enfermer dans un laboratoire haute-technologie. Le but de Len Wein et Bernie Wrightson n'est pas de rendre l'univers de Swamp Thing réaliste ou proche du notre, mais simplement à jouer avec des imaginaires de fiction pour créer leur propre tambouille. A travers leurs différentes histoires, ils questionnent la nature humaine, critiquent la façon dont les hommes rejettent ce qu'ils ne comprennent pas. En mettant en avant la laideur de l'homme, Len Wein et Bernie Wrightson font ressortir toute la beauté des monstres. Après tout, n'est-ce pas à cause de l'avidité des hommes qu'Alec Holland est devenue une parodie d'humanité ? Mais c'est en restant un monstre pour l'homme tout en le protégeant qu'elle acquiert une vraie beauté et une vraie grandeur. La tragédie du héros.
L'édition de Urban Comics a d'ailleurs eu le bon gout d'éditer l'ensemble des planches en noir et blanc, sans aucune couleur. Les pages de Bernie Wrightson rappellent ainsi son travail proche de la gravure pour les illustration du Frankenstein de Mary Shelley. Cette absence de couleurs renforce l'impact des aplats de noirs, la puissance des combats de Swamp Thing. En trois traits, il crée une ambiance horrifique incroyable.
Si vous avez 35 malheureux deniers en trop, je vous recommande ce comics. Accessible, puisqu'il s'agit d'une origine, magnifiquement dessiné et écrit, c'est un excellent moyen de découvrir le plus tragique des héros DC.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Journal d'un explorateur et Une case en trop ! (2019)
Créée
le 6 juil. 2019
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2 commentaires
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