En seulement 12 chapitres Taizan5 réussit à s'imposer comme un des auteurs les plus prometteurs de sa génération. Son manga est bourré de petits défauts : problème de rythme, caractérisation des personnages bancale, facilités scénaristiques...
Mais il y a une chose qu'on ne peut pas lui enlever, c'est que Takopi dégage une aura qui fait la marque des grands mangas, il est unique en son genre, et par de simples dessins en gros plan arrive à émouvoir aux larmes.
On peut le voir simplement de par les deux couvertures de l’œuvre. Je pense que c'est la plus grande force de l'auteur, sa façon de rendre sur-expressif les visages de ses personnages, tant dans la tristesse et le désespoir que dans la joie et la libération. On se surprend même à lâcher une larme sur certains échanges de regards entre le lecteur et les personnages, dans une détresse quasiment contagieuse.
L'histoire en elle-même donnait également envie, ce décalage de proposer un alien dessiné grossièrement, constamment heureux et niais face à l'horreur de ses rencontres. On sent qu'il y a eu une petite influence d'Inio Assano totalement assumée (une double planche m'a rappelé de manière douloureuse la fin de Punpun).
Malgré tout, le déroulement est totalement différent. Beaucoup ont trouvé Takopi horrible, et c'est vrai qu'il est insupportable à constamment casser le rythme dramatique du récit...
Néanmoins je trouve qu'on peut lui trouver du positif car on a ici un "alien" qui plus que jamais signifie "étranger". Étranger aux vices de ce monde, trop "happy", trop naïf, incapable de comprendre le harcèlement, la maltraitance, la solitude, la mort, pour mieux nous les renvoyer dans la face la page d'après. Et ce refus de voir la vérité en face on peut le rapprocher à de la famille, à un prof, à des élèves qui seraient passifs face à cette petite fille qui semble avoir tous les malheurs du monde, et qui au lieu de vouloir lui faire oublier ses soucis, voudrait qu'on pleure avec elle.
Certes l'histoire, même si elle est courte, n'est pas toujours très bien écrite, manque de rigueur et se complaît dans la facilité de la magie des gadgets de Takopi.
Le fait de voyager dans le temps et parfois perdre le lecteur, alors que la simplicité originelle fonctionnait déjà très bien, c'est dommage.
Mais je n'ai pas pour autant boudé mes émotions face à la puissance de certaines scènes.
J'aime beaucoup l'ambiguïté de la "happy" end, presque impossible, presque extra-terrestre au récit.
Les prochaines œuvres de l'auteur sont à surveiller de très près, car dans l'univers manga, on a parfois aussi bien besoin de se détendre que de pleurer un bon coup.