Tale of Sand par Anthony Boyer
De derrière les fagots
De ce côté de l’Atlantique, le nom de Jim Henson n’est peut-être pas des plus familiers. Sa principale création, en revanche, est universelle. C’est en 1976 que le Muppet Show voit le jour. Une série en 5 saisons qui a connu un succès considérable. En France, le Bébête Show, orienté politique, s’inspire des marionnettes de Jim Henson. Dans une certaine mesure, on peut considérer que les Guignols de l’info suivent cette lignée.
Paradoxalement, c’est d’abord par le crayon et le papier que Jim Henson exprime sa créativité, alors qu’il n’est qu’un adolescent. Cependant, sa carrière de marionnettiste a pris un tournant très rapidement. Avec son comparse Jerry Juhl, ils mirent sur pied bien des projets pour la télévision. Ensemble, ils dressèrent le scénario d’un film intitulé « Tale of Sand ». Seulement ce dernier se perdit et les deux comparses n’ont jamais pu mener ce projet jusqu’au bout.
La résurrection par la BD
C’est finalement dans le format bande-dessinée que ce projet vit finalement le jour. C’est Ramon K. Perez qui s’est chargé de mettre ce conte fantasque en images. Ce dernier vient du comics et compte à son actif des création Marvel comme Captain America ou Deadpool, même si dans l’hexagone seul son travail sur Resistance (adaptation de la fameuse franchise de jeu de guerre de Playstation) est sorti. On est bien loin de l’œuvre qui nous intéresse ici.
Difficile de résumer « Tale of Sand ». Et il semble trivial de tenter de rendre compte de ce qui n’est certainement pas l’élément majeur de cette bande-dessinée. Toutefois, à travers celle-ci, le lecteur se contente de suivre un homme dont l’itinéraire est clairement emprunt de surréalisme.
D’où vient cet homme ? Qui est-il ? Ou va-t-il ? Vaines problématiques. Tout ce que l’on sait, c’est qu’il marche et que, embarqué dans une fête aux allures de fanfare, il rencontre un shérif. Celui-ci lui explique les règles d’un jeu auquel il est contraint. Une course. Les règles importent peu. Tout comme le but de ce défi.
Comme un running gag
Tale of Sand est un hymne à l’absurde. On est d’abord dérouté par ce fil intangible que l’on tente de suivre, tant bien que mal. Puis on se laisse bercer par ce parcours aux frontières de l’onirisme. Rien n’a de sens. Et quitter le navire semble impossible.
Impossible pour ce brave type d’allumer sa clope. Impossible de se dépêtrer de ces arabes à cimeterre et des footballeurs américains qui en veulent à sa peau. Impossible également de savoir pourquoi ceux-ci sont vindicatifs. Impossible de glaner le moindre sens à tout cela. Impossible… Impossible.
Il faut rendre hommage au rendu graphique global. Ramon K. Pérez a fait un travail assez admirable tant au niveau des couleurs qu’en termes de narration. Le découpage des cases, tantôt confuse, tantôt en langue originale, ajoutent à la perte de repère inhérente à la lecture de cette BD.
Le dessin, parfois épuré mais souvent si riche multiplie les effets. Cette diversité permet à Pérez de briser la monotonie qui aurait pu émerger de cette course effrénée et sans fin.