L'avantage de ne pas savoir où l'on va, c'est qu'à un moment, on arrive forcément à destination...
C'est dans cette phrase que tient, à mes yeux encore éblouis, l'histoire de ce Tale of Sand. Initialement prévu pour le cinéma, exhumé pour le plus grand plaisir de notre irrationnalité, ce scénario de Jim Henson, père du Muppet Show, et de son comparse Jerry Juhl, nous installe dans les pas de Mac, fraichement débarqué dans une petite bourgade au milieu du désert. Il s'y joue quelque chose. La ville est en effervescence. Danse, fanfare, rues bondées. Que fêtent-ils ? Mac l'ignore, nous aussi. D'ailleurs, ne serait-il pas la raison de cette liesse ?
Très rapidement, trop rapidement pour qu'il s'en inquiète, le voilà face au shérif, représentant de la loi qui n'a pourtant rien de rassurant. Une carte. Un sac à dos et 10 minutes d'avance. C'est tout ce qu'il a. C'est tout ce qu'il sait. On voit d'ici le départ d'une chasse à l'homme à travers le désert. Une chasse à l'homme aux rebondissements inimaginables.
Car l'esprit fertile et sans limite de Jim Henson s'exprime ici dans une multitude d'incohérences, lorsque la simplicité et l'absurdité se mêlent pour donner au récit un côté fantasque et fantastique qui pourrait être sorti de l'esprit logique d'un gamin. Des explosions d'humours au fil de rencontres improbables, on suit cette fuite en avant vers l'inconnu où chaque page tournée amène son lot de surprises. Un scénario endormi qui méritait d'être réveillé tant il fourmille d'idées. Et pour le sublimer, un dessinateur inspiré.
Plutôt habitué des comics (contrairement à moi), Ramon K. Pérez met en image cette histoire quasi-muette avec une virtuosité qui transcende le récit. Chaque planche est un régal pour les yeux. On s'y attarde, on s'y perd comme dans le désert qui s'écoule au rythme de cette course poursuite. Chaque case est un régal au service d'une narration variée, dans un style qui ne s'autorise aucun écart. Les couleurs sont magnifiques, multiples, parfois percutantes, parfois réconfortantes mais toujours cohérentes dans un jeu de teintes qui flatte la rétine. Une liberté totale pour un récit en roues libres.
Tale of Sand est une BD qui n'a de sens que celui de lecture. N'y cherchez rien. Pas d'explications, pas de réponses à vos questions. Suivez Mac dans ce rêve éveillé où se mêlent le rêve américain et ses cauchemars. Souriez. Ecarquillez les yeux. Regardez. Fermez le, et revenez-y, un jour de pluie pour trouver les non-dits qui vous aurait échappé la dernière fois car, l'avantage de ne pas savoir où l'on va, c'est qu'à un moment, on arrive forcément à destination, même si ce n'est pas la même.