"Tales from the crypt" avant de devenir la série télévisée culte que nous connaissons, se trouvait être à la base un comic-book publié sous l'égérie E.C. "E.C", pour "Entertainment Comics". Destinées à un public jeune donc, ces bandes-dessinées possédaient bon nombre de caractéristiques communes: des meurtres, des cadavres, une bonne dose d'humour noir et des contes macabres sans aucune concession. Ces bandes-dessinées dynamisaient l'entreprise et renouvelaient les codes du comic-book, laissant de ce fait au placard nos super-héros en collants et slips.
Ces comics, nés en 1950 connurent une longévité assez brève, et pour cause, ils seront bannis dès 1955 par l'application du comics code de Fredric Wertham. L'Amérique se remet petit à petit des désastres de la seconde guerre mondiale. Elle entre alors dans un régime conservateur. Ces comics aux tons cyniques et moralisateurs ne sont décidément pas destinés à cette Amérique puritaine.
Les parents et les professeurs blâmaient ce genre de lectures dans lesquelles ils y voyaient des meurtres, des histoires de vengeance, des morts revenus d'outre-tombe, des histoires qui rendent débiles en somme, et qui ne représentent aucun intérêt pour leur enfant.
Et pourtant. Quelle Amérique prude.
Avec le recul, les E.C Comics s'avéraient être des comics révolutionnaires, avant-gardistes et terriblement imaginatifs. Une source de scénarios incroyable et inépuisable. En y regardant de plus près, il n'y a curieusement aucune trace d'images choquantes dans ces comics: pas de sexe, pas de gore, jamais de vulgarité ni de nudité. Peut-être une femme en sous-vêtements, rarement, mais rien d'affolant. Pas même le bout d'un téton.
Ces bd étaient diabolisées, contre les saintes écritures et les principes moraux, et ne devaient donc en aucun cas être éditées.
Un gros tas de bullshit donc.
D'une part, il est vrai que ces comics se ressemblaient et proposaient beaucoup d'histoires similaires horrifiques en jouant sur le twist final, usant de la technique de l'élastique jusque dans la dernière case. De bons divertissements en sommes. D'autres part, certains avaient une vocation moralisatrice, comme ce récit prenant place dans un contexte d'après-guerre: Un homme voit de nouveaux voisins arriver. Persuadé qu'il a affaire à des étrangers (ceux qui volent notre boulot et nos femmes) pas commodes, il décide d' incendier la famille (femme-enfants compris) durant leur sommeil. Le lendemain du drame, et sous le coup de la culpabilité, celui-ci confesse son crime tandis que sa mère révèle à ce dernier qu'il est d'une origine étrangère à celle qu'il croyait appartenir, que ses origines américaines étaient des inventions, et que sa nationalité n'est pas si éloignée que celle de ses victimes. Peu importe qui nous sommes, nous avons tous du sang qui coule dans nos veines, nous sommes tous frères l'un de l'autre. La boucle est bouclée.
Bien entendu, les comités firent abstention sur ces "légitimes" subtilités.
Mais E.C, ce n'est pas que "Tales from the crypt", dont la plupart des récits baignaient dans l'horreur, c'est également de la science-fiction (Weird Science), du policier (Crime suspenstories), du suspense (Shock Suspenstories), de la guerre (Two-fisted tales) et du récit d'aviation (Frontline Combat).
E;C, ce n'était pas que consumérisme et du commerce, c'était de l'avant-gardiste, de la nouveauté, du subversif, et du transgressif.
A l'heure actuelle, le schéma se reproduit avec le jeu-vidéo que nous pointons du doigt pour "incitation à la haine, à la discrimination, à la délinquance" et désignée comme "corruption de notre belle jeunesse" à défaut et que nous diabolisons. Évidemment, il faut bien rejeter la faute quelque part...
Et le premier des supports à en avoir été victime était pourtant le cinéma...
L’American magazine avait déclaré en 1913 : « Le cinéma est une merveille, car c’est un art dédié à l’humanité. » et « les foules y plongent dans l’image vivante, le halo de lumière et la beauté qui exaltent l’esprit de l’espèce humaine ». A l’inverse le Chicago Tribute déclarait en 1907 que les films n’ont pas l’ombre d’une qualité pour exister. Rejoignant cette optique, en 1958, le « Journal of Education » qualifie le cinéma d’éphémère et de parasitaire. Encore une fois, le premier ministre britannique Ramsay MacDonald jugeait le cinéma d’immoral et d’abominablement crétin. L’on a reproché également au cinéma d’être une propagande politique, du consumérisme gratuit et de la corruption pour la jeunesse.
Preuve que les moeurs n'ont pas tant évoluées que ça...
Si vous désirez vous procurer ces comics, il en existe actuellement deux éditions françaises. Celle d'Albin Michel de 1999 propose dix tomes de 8 contes chacun, le tout dans un format A4. une édition aléatoire, incomplète mais qui fut la première chez nous. Encore publiée aujourd'hui, certains tomes (dont les premiers) sont tout simplement épuisés. Il est plus intéressant de se tourner du côté d'Akiléos qui regroupe "Tales from the crypt" dans des intégrales de 4 tomes incluant chacun une vingtaine de contes. Le reste des intégrales devrait suivre dans les années à venir. Il s'agit de l'édition la plus complète et la plus fidèle à ce jour. Unique chose à déplorer: les bouquins s'abiment (et encaissent les chocs) un peu trop rapidement.
Voilà comment vous procurer ces chefs d'oeuvres du neuvième art en toute légalité. Si cela ne vous suffit pas, il vous est très conseillé de vous pencher sur la série télévisée en sept saisons (1986-1996), bien que souffrant d'une grosse baisse de qualité passée les quatre saisons et le fait que ces adaptations épisodiques ne représentent qu'une infime partie de ce que pouvaient être les E.C, mais elle demeure cependant une bonne entrée en matière.
Terminons sur un mot de Run, dessinateur francophone, qui s'est partiellement inspiré de ces comics pour certaines de ses œuvres: "A mes yeux, rien aujourd'hui n'est aussi fort que ces comics-là. Ceux dont le titre étaient remplis des mots "terreur", "horreur", "crimes", ou "bizzare". Ce sont de véritables chefs d'oeuvres du 9ème art". *
- Doggybags, Tome 1, éditorial, 2011, Ankama.