Ayant lu "le Transperceneige" de Lob et Rochette à sa sortie, en 1985 je crois, et n'ayant jamais ensuite considéré intéressant de me pencher sur les suites tardives qui lui ont été données, c'est évidemment le film de Bong Joon-Ho qui m'a rappelé l'existence de cette BD que j'avais reléguée en fond de ma mémoire : un bon livre, mais pas non plus exceptionnel, même si sa mythologie post-apocalyptique était plutôt originale. Sauter 30 ans plus tard au chapitre final n'a d'ailleurs pas constitué un traumatisme particulier, preuve que le travail de Rochette (désormais dessinateur !) et de Bocquet s’insère correctement dans la continuité logique de l'original. Ce qui frappe (et fort), c'est la beauté et l'intelligence du graphisme - qui s'apparente d'ailleurs plus à de la peinture - de Rochette : c'est là la principale qualité d'un livre tout en ombres puissantes et en mouvements très justes, qui nous ménage de superbes moments où c'est avant tout l'esthétique qui génère les émotions, et entraîne le lecteur vers un imaginaire intense. La grande faiblesse de "Terminus", c'est, à l'inverse, sa narration, pleine de trous béants qui semblent avoir échappé au contrôle des auteurs, et empêchent l'adhésion du lecteur, sans même parler des invraisemblances qui décrédibilisent rapidement les idées de base, pourtant intéressantes : Bocquet et Rochette ont inventé un univers original, mélange de parc d'attraction et de laboratoire d'expérimentation, qui leur permet de nous livrer une critique pertinente des dérives de notre XXIème siècle, entre centrales nucléaires qui fuient et manipulations des dirigeants… Il est dommage qu'ils échouent à nous raconter une histoire qui fasse vraiment sens, et surtout à nous faire accompagner leurs personnages au long de leur périple, puisque ces personnages restent plus des "concepts" que des êtres humains auxquels nous nous identifions. [Critique écrite en 2016]