Terra Australis raconte le récit du premier envoi de bagnards britanniques pour coloniser l'Angleterre. C'est une bande dessinée documentée, qui se veut réaliste mais n'hésite pas à faire dans le grandiloquent pour toucher le lecteur. On suit un certain nombre de destins individuels : le capitaine Philips ; l'aborigène Bennelong ; le capitaine Robert Ross, soldat brutal ; Ralph Clark, un lieutenant idéaliste ; John Hudson, un gamin des rues ; Black Caesar, un colosse noir rebelle...
L'ouvrage est long et riche. On sent que l'auteur a eu un coup de foudre pour le sujet, qu'il a mûrement réfléchi (508 pages !), mais il dit lui-même avoir dû se familiariser avec le langage de la bande dessinée. Le gros bémol, à mon sens, vient des choix graphiques. Le dessin est réaliste, mais les expressions faciales complétement outrées, histoire que l'on comprenne bien qui est gentil, qui est méchant, etc... La peinture des inégalités sociales est encore plus simpliste que celle d'un Dickens, ce qui n'est pas peu dire. Les dialogues sont inutilement cruels et verbeux. Au fonds, c'est un peu les reproches que je pouvais faire à L'homme de Java. Par ailleurs, par moment, les visages de certains hommes se ressemblent énormément.
Le personnage principal, Philips, officier choisi pour son absence d'attaches familiales plutôt que pour son talent, mais homme des Lumières rêvant d'une coexistence pacifique entre colons et aborigènes, est quelque peu décevant : la vie de la colonie lui pesant, il décide de rentrer s'ennuyer en Angleterre. Il y a plus galvanisant que ce destin de monsieur-tout-le-monde. Surtout vu le message de dénonciation sociale du début du livre.
Le sujet est passionnant, mais au final, le récit se focalise beaucoup plus sur le voyage en bateau, ses causes et son déroulement (337 pages) que sur les contacts avec les aborigènes (noms dérivant de l'expression ab origene). La dernière partie, en effet, déroule un récit hélas assez prévisible qui rappelle bien des histoires de colonisation. Au final, on en apprend peu sur la culture aborigène elle-même, qui est montrée de manière assez extérieure.
Le prologue montre un narrateur en vision subjective qui regarde des aborigènes perpétrer un rite de passage mutilant sur leurs enfants, puis le récit se défocalise sur des marins de l'Endeavour, le navire du capitaine Cook qui aborde pour la 1e fois à Botany Bay.
Le livre 1, Les horizons lointains, présente chaque personnage. C'est une description violente, voire sordide, de l'Angleterre de Georges V, avec le passage obligé dans la prison de Newgate, qui déborde partout d'une humanité corrompue. La violence est crue (menace sur la virilité d'un homme, tentative de viol pédophile), la laideur morale repoussante. Essayez de ne pas vomir. Il y a par contre une analyse assez fine des jeux politiques autour de la question du départ de ces bagnards, dont on se débarrasse pour essayer de faire baisser la pression dans cette cocotte-minute qu'est Londres.
Le livre II, le voyage, se concentre sur les difficultés du bord. On s'intéresse aux difficultés à tenir les bagnards (le commandant Ross désapprouvant l'humanité de Philips), à la question des femmes (nombre tombent enceintes et doivent accoucher). Il y a des escales : Teneriffe, Rio (belle scène où les personnages entendent les chants montant d'un navire négrier), le Cap (saynette grandiloquente sur un homme cherchant à fuir, que le navire reconduit et qui se fait pendre de manière ignoble). A la fin du voyage, le capitaine demande à chaque officier son souvenir préféré.
Livre 3 - Bandaiyan. Les colons s'installent et Philips, de capitaine, devient gouverneur. Il y a des escarmouches avec les aborigènes, des débats au sein des colons. La famine qui menace revient souvent. Belle scène d'un perroquet survolant la colonie, petite poche civilisée au milieu du bush hostile. Capture de deux aborigènes, dont l'un, Bennelong, reste et apprend l'anglais. Scène où il rêve du futur de la ville, dans un délire. Au total, les incidents avec les aborigènes sont rapportés sans grand approfondissement du propos.
Epilogue. Comme son nom l'indique, on raconte le destin ultérieur de chaque protagoniste important. C'est un peu décevant, il n'y a même pas de sentiment qu'il y a eu un avant et un après pour chacun. Ils continuent leur trajectoire. On découvre que le narrateur du début était... un kangourou.