That Moment, Maybe : difficulté du passage à l’âge adulte…

Pocket Chocolate est de retour aux éditions Kotoji avec le magnifique That Moment, Maybe. S’il m’avait déjà conquise avec Crystal Sky of Yesterday, je dois dire que j’ai été tout aussi subjuguée par ce nouvel ouvrage de qualité. A n’en pas douter, Pocket Chocolate est une valeur sûre de l’éditeur.


Première chose à souligner avant d’entrer pleinement dans le titre, c’est l’édition qui est proposée. Encore une fois, les éditions Kotoji nous ravissent avec un one-shot en papier glacé, tout en couleur permettant de mieux apprécier le travail du manhuajia. Le format reste également très appréciable. On prend plaisir à toucher les pages. Et même si on peut regretter de petites coquilles, ce titre vaut très largement son prix (16€).


That Moment, Maybe, c’est avant tout l’histoire d’une apparition à mon sens : celle de la belle Wen Xin qui va venir chambouler la vie du jeune psychologue Li Shaokun. Stagiaire dans le cabinet du professeur Wang, il semble destiné à un avenir brillant et partage la vie de la jolie Fei Fei avec qui il est en couple depuis cinq ans maintenant. Mais voilà, il y a ce retour inattendu apportant également son lot d’évènements inconnus. En effet, il découvre que Wen Xin est à présent aveugle, suite à un accident. Bien que la jeune fille n’ait jamais rencontre Li Shaokun, ce dernier se souvient de la relation particulière qu’il avait établie avec elle. Une relation où proximité et distance avaient contribué à créer un lien unique entre eux. Mais est-ce que tout cela ne risque pas de fragiliser sa relation avec Fei Fei ?


Encore une fois, nous retrouvons les thèmes chers à Pocket Chocolate dans ce nouvel ouvrage : souvenirs, regrets, difficulté à passer totalement l’âge adulte, rien de bien nouveau. Mais qu’est-ce que c’est bien traité et c’est vraiment tout le génie de l’auteur car bien loin de nous lasser, il parvient encore à nous interroger, à nous pousser également dans certains retranchements et cela en passant par le personnage de Li Shaokun qui devient quelque peu notre miroir. Cette réapparition de Wen Win, c’est aussi ce qui va déclencher les doutes, les regrets, les remises en question sur l’incapacité qu’avait peut-être le jeune homme à être l’adulte qu’il était en train de se construire (oui, tout cela est presque un peu métaphysique quelque part…).


Et autant dire que le jeune homme était loin de s’attendre à de tels remous en lui. Force lui est de constater (même s’il a un peu de mal au départ) que des sentiments plus que troublants s’installent en lui. Wen Xin devient alors le déclencheur d’épreuves qui pourraient mettre à mal son couple. Et c’est ainsi de manière très subtile comme il excelle à le faire que Pocket Chocolate amène progressivement un triangle amoureux où rien n’est jamais brusqué. Encore une fois, c’est sans doute la patte de l’auteur mais rien n’est jamais précipité, tout se fait en délicatesse et on est bien loin des clichés du genre. Mais c’est essentiellement parce que le manhuajia reste très juste dans sa manière de dépeindre les personnages. On peut aisément se reconnaître dans l’un des personnages et plus loin, j’ai envie de dire que l’on peut aisément se reconnaître à des moments précis de sa vie. Ce travail de transposition est assez extraordinaire si bien que l’on arrive très facilement à se laisser porter par la narration très fluide qui est proposée. En outre, la dimension introspective de l’histoire aide également à favoriser ce phénomène d’identification. On suit essentiellement les doutes de Li Shaokun mais à travers son regard et ce qu’il vit avec les deux femmes, on arrive néanmoins à percevoir leurs émois à elles. Si on comprend pourquoi il ressent un attachement et cette envie de se rapprocher de Wen Xin, on comprend également l’importance qu’a Fei Fei dans sa vie. Cette rivalité stérile entre les deux femmes (elles ne s’affrontent jamais réellement), l’auteur arrive à la transcender et on s’attache à ces deux femmes qui souffrent à leurs façons. J’ai été assez captivée par cette manière de nous interpeller. Tout est si bien agencé que l’on en vient à se questionner sur soi-même.


Fei Fei apparaît très charmante. Son caractère est entier et c’est quelque chose que j’ai plutôt aimé. Enthousiaste, elle aime sincèrement Li Shaokun mais a du mal à comprendre pourquoi son compagnon semble reculer là où elle souhaite avancer avec lui. Et c’est pour cette raison que les deux vont tomber peu à peu dans une incompréhension. Alors que l’horizon paraissait clair, les deux jeunes gens parviennent de moins en moins à être en osmose. On ressent une forme de compassion pour Fei Fei qui aimerait rendre heureux Li Shaokun mais qui a du mal à comprendre tous les tiraillements de ce dernier. Ceux-ci sont accentués par la pureté de la belle Wen Xin. Si on apprend à découvrir cette jeune femme, c’est au travers de ses séances avec Li Shaokun : peurs, faiblesses et relation conflictuelle avec sa mère, la jeune femme ne sait plus comment progresser et cet accident devient alors un fardeau où elle se sent empêtrée bien malgré elle. C’est ainsi que le lien entre les deux va devenir plus prépondérant. Les nombreux retours dans le passé permettent de comprendre comment les deux communiquaient à l’arrière d’un tableau où ils pouvaient relâcher la pression de la dernière année de lycée. Un exutoire qui va servir aux deux jeunes gens mais plus loin, j’ai eu l’impression que cet exutoire se traduisait plus tard par les séances également. Si Wen Xin a du mal à relâcher cette pression, la bienveillance de Li Shaokun va la pousser à réellement s’affirmer. Quant au jeune psychologue, il en vient presque à être dans une démarche d’analyse où il se demande s’il est vraiment le thérapeute dans le fond. Sans en avoir pleinement conscience, Li Shaokun va aussi être aidé par Wen Xin mais d’une manière totalement inattendue. Il comprend alors que ces deux pans (passé/présent) ne peuvent pas cohabiter mais qu’ils lui ont servi à se construire et lui serviront sans doute encore. En acceptant ce passé, il choisit alors d’embrasser celui-ci (le passé s’entend) de manière plus sereine vers son avenir (oui, très métaphysique comme je disais…).


Finalement, on se dit que ce n’est peut-être pas pour rien que le personnage masculin est psychologue. Cette dimension est parfaitement retranscrite tout le long et on sent une volonté de ne pas dénoter et ce, à travers l’emploi de termes bien spécifiques, notamment celui de « transfert » qui aura une grande importance au fur et à mesure.



Peut-être que dans la vie, nous avons trop de « peut-être », trop de « ces instants »…



En dehors de l’édition, il faut bien évidemment revenir sur le formidable dessin de Pocket Chocolate. Encore une fois, j’ai été plus que charmée. J’ai eu l’impression qu’il y avait également eu une évolution. On retrouve ce dessin de type aquarelle mais offrant des décors assez saisissants. Le tout se mêle parfaitement sans compter que les personnages pourront sembler plus « crayonnés » qu’avant. L’expressivité ressort plutôt bien en ce qui me concerne et je crois que le choix des couleurs concourt à mieux faire ressortir les troubles des personnages.


Pour conclure, That Moment, Maybe s’avère être une très jolie réussite. A l’instar de Crystal Sky of Yesterday, on retrouve un récit soigné et une mise en scène bien orchestrée. Le côté intime du titre donne encore plus de charme à l’ensemble et on appréciera d’autant mieux les toutes dernières pages du titre qui font comprendre toute la signification du titre.


Critique sur Kyoukai's World

Heyden17
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le 10 août 2016

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