Il faut parfois aller chercher la noirceur en soi, la douleur persistante qui nous ronge, pour enfanter une oeuvre marquante, qui laissera son empreinte sur le mur déjà bien tapissé de la culture. Ce que fit James O'Barr au tout début des années 80 avec "The Crow".
Couchant sur papier toutes ces tripes, noircissant les cases comme il le ferai avec son propre sang, O'Barr va vomir tout ce qui gangrène son esprit et son coeur, tenter d'exorciser ses démons et peut-être, seulement peut-être, pouvoir débuter un long chemin de croix, celui du pardon, l'absolution d'un être torturé qui n'arrive pas à se pardonner de n'avoir pas pu sauver un être cher.
Cette souffrance est palpable dans chaque case de l'oeuvre d'O'Barr, poème funèbre aussi beau que poisseux, relecture punk et baroque de la mythologie, traversée d'un certain humour noir et préfigurant le "Sin City" de Frank Miller, à ceci près que l'oeuvre d'O'Barr n'est aucunement fun et séduisante, mais profondément douloureuse.
Oeuvre cathartique pour son auteur, "The Crow" est une petite révolution dans le monde de la BD underground, aussi touchante qu'éprouvante, visible ici dans son intégralité, tel que l'auteur l'avait imaginé.