Cible facile
Au sein de la vaste galerie de super-héros que compte l'arène DC, certains ne bénéficie pas de la même exposition sous les projecteurs. Là où une surabondance d'œuvres sur Batman existe, il y en a...
le 3 déc. 2023
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Critique de Human Target
8/10
J’ai aimé chaque page de ce livre. J’espère ne plus jamais le lire. Les deux phrases ne sont pas contradictoires.
En tant que lecteur de comics, j’ai une hypothèse sur le duo Ice & Fire. Je suis fan de ce duo, en particuliers de Ice. Mon hypothèse c’est que cela est normal : ce duo est fait pour séduire les geeks. Fire représente la femme forte, confiance, séductrice, celle sur laquelle on bave à l’adolescence mais qu’on sait bien être inaccessible mais qui, en plus, n’est pas dans le même monde que nous. Ice est la femme douce, calme, gentille, séduisante sans le savoir. Elle n’est pas sexy comme Fire, elle est jolie. Elle est ce que le geek aime vraiment. Parce qu’on ne va pas se mentir : Fire est un mannequin qui va en boite de nuit. Quel geek va en boite de nuit ?
Le duo Fire & Ice représente selon moi un certain rapport au femme pour le lecteur de comics. Et il est normal que les lecteurs tombent sous le charme de Ice.
Aussi Tom King s’amuse-t-il à nous refaire tomber amoureux d’elle, à la faire moins ingénue et plus séductrice, moins naïve et plus puissante.
Human Target raconte l’histoire de Christopher Chase, obscure personnage DC très oublié, qui incarne ses clients. Il joue leur rôle pour mourir à leur place, ou du moins faire semblant, jusqu’à trouver l’assassin et l’arrêter.
Christopher joue le rôle de Lex Luthor. Suite à sa mission, réussie il va sans dire, il ingurgite un poison prévu pour Luthor. Il lui reste 12 jours pour trouver l’assassin. Or il sait une seule chose : l’assassin est un membre de la Justice League International. Son premier suspect est Ice, mais celle-ci vient le voir d’elle-même pour l’aider à trouver le véritable assassin. Son second suspect est Fire. Mais là encore Ice va lui montrer son erreur. Tandis que Guy Gardner joue les jaloux et que Chase tombe sous le charme de Ice, on va petit à petit remonter la liste des suspects à travers la JLI.
La série en douze numéros assume une ambiance à la James Bond. C’est même un peu lourd quand on se rend compte que Chase et Ice s’envoie en l’air tout le temps. Chaque numéro joue sur la carte d’une histoire d’amour qui s’est faite au premier regard avec une Ice plus sexualisée que toutes les autres héroïnes DC réunies, même si cela se fait avec la subtilité des vieux films d’espionnage.
C’est classe, c’est plaisant et c’est d’une beauté à couper le souffle. Chaque planche est parfaite, chaque case est nickelle. On respire l’Amérique aisément, on sent la ville comme le désert, la mer comme le soleil, le froid de Ice comme le whisky de Chase. On arrive à croire à cette dimension humaine de Chase au contact avec des super-héros d’une race supérieure.
C’est vraiment grandiose. Human Target n’est peut-être pas le meilleur Tom King (je lui préfère son Batman), mais c’est son plus beau. C’est, à mon sens, l’un des plus beaux comics que j’ai lu.
Et l’histoire fonctionne excessivement bien. Chaque chapitre se concentre sur un personnage de la Justice League. Si certains moments deviennent très mécaniques, jamais on ne se répète totalement. Chaque chapitre parvient à se conclure avec une remise en cause de ce que l’on a vu et il n’est jamais certain que le lecteur progresse dans son enquête.
Notons que j’ai particulièrement aimé le chapitre sur Batman. On reproche souvent à King d’humilier un personnage pour glorifier ses héros. Ici c’est tout l’inverse, Batman est tellement supérieur à Chase que sa présence est constante autour de lui. Rarement on a aussi bien senti la puissance du détective. Chase est suffisamment intelligent pour comprendre Batman et voir qu’il a un coup d’avance. On notera d’ailleurs que si Chase se rend compte d’une manipulation de Guy, ce n’est que parce qu’il estime suffisamment Batman pour essayer de comprendre le Détective. Sans cela, Chase aurait été manipulé du début à la fin. King réalise une écriture de Batman d’une rare qualité, tout cela sans avoir montré le personnage.
Le problème sera peut-être les personnages qui deviennent très loin de ce qu’ils sont censés être. Et en même temps, cela marche toujours à chaque fois. Ted est absolument génial dans son bavardage intelligent mais qui n’avance pas et son rapport léger à la nudité. Booster Gold parvient à demeurer attendrissant avec sa bêtise. Fire est la plus proche de ce qu’elle est originalement là où Martian Manhunter devient particulièrement humain, ressentant un désir sexuel pour ce qui lui fait le plus mal, dans un fétichisme pervers qui, s’il est lu de manière non exagérée ressemble finalement à une forme de BDSM assez standard. On regrettera cependant que cela conduit à écrire Fire comme une manipulatrice. Rocket Red est vraiment touchant dans sa gentillesse. Guy a beau être idiot, il apparaît aussi comme honnête (notamment grâce au chapitre bonus).
Mais le plus beau point de ce comics est sans nul doute le graphisme. Greg Smallwood offre un travail qui fait date. Il réussit parfaitement à retranscrire cette influence d’espionnage. Il met en place quelque chose d’efficace, de direct, tout en ayant beaucoup de subtilité. Imaginatif et intelligent, il nous montre que Human Target, tout en mettant en scène des super-héros, parvient à dépasser les limites du genre.
Ce que je n’ai pas aimé c’est la fin. La suite sera donc un spoiler.
Ce n’est pas la mort de Chase qui me dérange, mais la sincérité de son amour pour Ice. L’hypothèse même que Ice soit Ice. En effet, j’estimais que l’intégralité du comics allait conduire à voir en Ice l’assassin mais que celle-ci n’était pas réellement Ice, étant beaucoup trop Out of Character. Le choix, à première vue, de King, est d’assumer cela pour dire que justement Ice a changé depuis sa résurrection et qu’elle en a marre de jouer la douce Ice des années 80. Mais est-ce que cela suffit ? Ice est également plus puissante. On nous dit explicitement qu’elle dispose de pouvoirs qu’elle n’est pas censée avoir. Mais cette information n’est guère utilisée. Elle n’est pas juste rancunière, elle ne veut pas juste se venger, elle est également séductrice, manipulatrice, menteuse, grossière. Elle n’a finalement que peu à voir avec Ice.
Je reste persuadé, sans preuve réelle, sans y croire pleinement, que Ice n’est pas Ice dans ce comics. Je pensais même qu’à la fin on verrait qu’elle n’aimait pas Chase, pas plus qu’elle n’aime Gardner. Mais là aussi les indices sont minces : on sait juste que Christopher n’a pas entendu les adieux de Ice. C’est le seul indice.
Bref, cette Ice manipulatrice, dangereuse, qui déteste Guy et le manipule, qui manipule tout le monde, même Fire, qui fait croire à tous qu’elle est une parfaite innocence et qui continuera à le faire croire, cette Ice, finalement, est le plus grand problème de l’oeuvre. A la fin Chase est mort. Pas les héros de la JLI qui doivent continuer de vivre dans un monde avec cette Ice.
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il y a 6 jours
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