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Ce qui marquera d'abord The Killer Inside tient à l'excellent dessin de Shôta Ito, enfin une œuvre contemporaine qui sait utiliser de trames sans en abuser ostensiblement et surtout, sans lisser les traits au point de les aseptiser à outrance. Je ne pourrais pas dire que le coup de crayon ressort assez de l'ordinaire pour être vraiment distinctif de son auteur, mais pour ce qu'il a de «commun» (j'insiste sur les guillemets), il est remarquable. J'ai le sentiment que ce style graphique aurait dû être la matrice de ce qui se sera fait après la décennie 90 en matière de graphismes de manga ; une juste continuité. Une continuité contigüe à ce que pouvait dessiner Katsura en passant de Shônen à Seinen.


On ne tourne pas autour du pot pour présenter le personnage principal. Les traits de caractère déterminants sont brossés en trois pages ; l'art de la synthèse m'apparaît décidément comme la marque des grands. L'introduction brossée, l'élément perturbateur ne tarde pas à poindre et l'auteur - qui n'est pas le dessinateur - ne fait pas perdre de temps au lecteur en évoquant graduellement mais suffisamment rapidement les trois jours absents de la mémoire d'Eiji. La narration comme la mise en scène sont maîtrisées d'une main de maître qui ne tremble pas et dessine une ligne parfaitement droite pour mieux orienter son récit.


Avec le premier chapitre sous les yeux, je pouvais déjà déterminer que j'avais devant moi l'ouvrage d'un auteur dont le sacerdoce repose en partie sur le serment de ne jamais faire perdre de temps à ses lecteurs. Combien d'œuvres aiment meubler le vide bruyamment pour ne finalement distiller que des éléments d'intrigue ténus par chapitre ? Avec The Killer Inside, la moindre case compte. On optimise chaque page sans jamais en négliger une seule.


Très vite, le récit nous happe et nous captive. La juste dose de mystères et de révélations se mêle habilement pour donner envie de continuer de naviguer plus loin encore. Avant même de comprendre comment et pourquoi, on se surprend à parcourir la lecture tome après tome.

L'horreur est superbe sans chercher à s'imposer. La question du tueur en série y est ici mieux amenée que dans ce monument érigé à la gloire de la déception qu'est MPD Psycho. Les intrigues et, a fortiori, les personnages dont l'élaboration repose sur le dédoublement de personnalité sont assez casse-gueule. Quand ça n'est pas de la redite, ça trouve généralement le moyen d'être convenu, prévisible et très souvent grossier. Oui, encore une fois, MDP Psycho m'égratigne la mémoire, et salement...


Voir Eiji se laisser embarquer par B-1 et enquêter sur lui.... alors qu'il s'agit de lui-même a quelque chose de fascinant du point de vue narratif. Les frasques de B-1, absentes du récit, sont des pistes riches de mille trésors à explorer en s'y jetant à corps perdu. L'écriture est finement brodée et le dessin persiste tout du long à lui faire honneur. The Killer Inside est vraiment une histoire poignante.


Les personnages ? Je n'ai rien mal à en dire. Ils sont parfois sympathiques mais... ils ne sont que sympathiques. Le gang Skaal en fait des caisses par ailleurs, au point de discréditer le sentiment d'horreur planant au profit la crasserie criminelle sur-fantasmée. Et la nana placide de servise a un charisme dont on pourrait dire qu'il est minéral pour ne pas dire qu'elle est chiante comme les pierres. C'est le propre du perfectionniste d'en vouloir trop plutôt que d'en avoir bien assez. Ces personnages en tout cas, dans l'ensemble, s'adaptent correctement à l'histoire même si leur profondeur ne fore pas bien loin dans les méandres de la psyché humaine. Le thème, pourtant y prédispose grandement. C'est à déplorer et je ne me prive pas de le faire.


Et Skaal... fout tout en l'air. Les errances et autres éructations de son petit milieu criminel Yakuza très, très, très méchant font rouler des yeux à s'en décoller la rétine. Le décollage de l'œuvre était fulgurant et on a confondu l'accélérateur avec le frein à l'aube du deuxième volume. Il y avait de quoi s'emballer en se focalisant sur les prémices uniquement. Mais c'était sans compter la suite. Je la vois rarement venir quand je m'enthousiasme ; j'ose pas la regarder en face jusqu'à ce qu'elle me crève les yeux.


L'enquête sombre et s'enlise trop vite dans un schéma trop routinier pour qu'on prenne seulement la peine de s'y accrocher. Du sensationnalisme, du suspense grossier et tapageur en fin de chapitre - qui pour le coup n'est pas la marque des grands ; tout ce qu'il ne faut pas, on y a droit.


Les défauts des personnages et leurs carences se lézardent d'abord pour laisser place à des crevasses béantes. Alors que B-1 fascinait, il ennuie à mesure qu'il se laisse découvrir. Ses motivations, son modus operandi, rien ne le grandit. Oui, décidément, démystifier, c'est tuer le mythe et, rétrospectivement, c'est du mythe que j'étais tombé amoureux. J'avais cru naïvement que The Killer Inside rattraperait ma déception du temps de MDP Psycho, je vois que lui aussi s'appliquait à m'épater le temps d'un volume pour mieux me désenchanter le restant de l'œuvre.


Je peux revenir aisément sur toutes les louanges préalablement administrées. Le rythme parfaitement maîtrisé des premiers chapitres, c'était pour l'esbrouffe, de quoi appâter le chaland et l'engluer dans sa lecture. Car par la suite, on vivote, on traîne et on distille ici et là quelques menues révélations pour justifier qu'une enquête - une autre - se poursuive. Le manga vit pour la finalité de vivre et non plus pour nous apporter un contenu original. Les mystères passés le premier tome ? Soit on s'en fout soit on les résout à peine ceux-ci présentés à nos yeux de lecteurs.


Et finalement LL n'était pas qui l'on pensait - car il fallait rajouter du mystère apparemment - et la dernière étape du récit se centrera autour d'un dramatisme percuté par un bouquet final de révélations sans saveur tant elles sont navrantes. On déballe, on déballe eeeeet, on remballe ; c'est fini, un message creux pour la fin pour faire écho dans l'abysse conceptuelle qu'est devenu le manga et rideau. Cette fin, j'ai du la lire un million de fois, c'est le chant du cygne siffloté du bout des lèvres faute de mieux. Mes aïeux, quelle déception. Une autre. Mais beaucoup croiront y trouver de quoi faire bombance. Faute de grives j'imagine.



Josselin-B
3
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le 15 juil. 2022

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Josselin Bigaut

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