A l'opposée de La Citadelle aveugle qui est réédité simultanément, The Long Tomorrow est le recueil d'histoires courtes de Mœbius qu'il faut avoir. Ne serait-ce que pour l'histoire qui donne son titre à l'album et qui est fondateur de plusieurs œuvres de SF au fil des années et hors du cadre de la BD. Lorsque Jodorowsky vit que son adaptation de Dune tombait à l'eau, il s'est basé sur "The Long Tomorrow" comme point de départ pour L'INCAL (la cité-puits, le détective minable chargé d'une enquête par une femme de la caste supérieure de la société) et quelques années plus tard, Ridley Scott (qui avait travaillé avec Dan O'Bannon et Mœbius sur Alien) s'inspira de ce décor urbain futuriste pour Blade Runner. L'ambiance froide et anarchique est d'ailleurs beaucoup plus proche de ce film que du Cinquième Elément de Besson, plus lisse et aseptisé, tant il est ouvertement adressé au grand public peu exigeant (même si Mœbius a effectivement travaillé dessus).
Hormis cet excellent récit de SF qui ne connût malheureusement pas de suite car le dessinateur ne trouvait pas l'histoire de Dan O'Bannon convaincante, on trouve également deux petites histoires marrantes ("L'Univers est bien petit" et "Barbe-Rouge et le cerveau pirate" qui parodie 2001 en se référant à la célèbre série de Charlier et Hubinon). En remplissage on peut lire "L'Artefact", paru (comme "Barbe-Rouge") sous le nom de Gyr dans Pilote, qui est prévisible mais sympathique, et le beaucoup moins sympathique et beaucoup plus sinistre "Variation n°4070 sur "le" thème" qui clôt l'album. Le thème en question étant la catastrophe nucléaire, omniprésente dans les esprits à l'époque de la Guerre Froide.
La curiosité de ce tome est la collaboration entre Mœbius et Druillet, qui lui a écrit "Approche sur Centauri". Un récit sans réel sujet certes, mais qui vaut pour la tentative de Mœbius de "faire du Druillet". Si le premier n'a pas été convaincu par l'expérience, le second a beaucoup apprécié. En tout cas c'est visuellement très bon. Quant au scénario (qui ne se réduit en fait qu'à une idée), si ce n'est pas exceptionnel ça mérite malgré tout d'être lu (et vu). Pour finir, "Rock City" est une histoire de commande pour Métal Hurlant en 1979. C'est l'histoire la moins intéressante de l'album.
Au final, si l'on ne doit posséder qu'un seul album de la série MŒBIUS USA, c'est celui-ci qui emporte tous les suffrages. Et haut la main.