* Critique originale disponible sur Duotaku no Sora *
Mon senpai est violent et égoïste, et il n'écoute jamais rien. Pourtant j’ai fini par tomber amoureux de cet être sans-cœur. Aujourd'hui ça va faire cinq ans que dure cet amour à sens unique et sans espoir…
Morinaga Tetsuhiro est un étudiant qui assiste aussi son senpai, le brillant Tatsumi Sôichi, dans ses recherches. Mais cela se révèle difficile à vivre au quotidien car en plus d'avoir à subir son caractère grincheux et tyrannique, Morinaga s'est entiché de lui et n'ose pas lui avouer. Et comme si cela ne suffisait pas, il se trouve que Sôichi est devenu homophobe depuis qu'il a été harcelé par un gay quelques années en arrière.
Mais un soir où Sôichi passe la nuit chez Morinaga, celui-ci lui offre involontairement une ouverture et Morinaga, n'y tenant plus, se laisse aller pour la première fois à ses sentiments. À partir de là, tout se complique pour Morinaga qui essaiera tant bien que mal de retrouver la confiance de Sôichi qui l'exècre désormais. Mais à force de persévérance, les deux jeunes hommes finiront par apprendre à se comprendre et, contre toute attente, par se rapprocher.
Un yaoi slice of life
The tyrant who fall in love (ndr. :L'erreur de conjugaison vient de la traduction officielle japonaise que Taifu Comics a choisi de garder telle quelle) est un yaoi manga qui est à la base un spin-off du manga Rien n'est impossible! (Challengers) de la même auteure. Le manga était initialement terminé en 8 tomes, mais devant le succès retentissant de la série et l'envie de l'auteure de poursuivre son histoire, d'autres chapitres sont maintenant pré-publiés sporadiquement à raison d'environ 1 tome par an. Cette "suite" étant toujours en cours, cette critique se focalisera donc uniquement sur la première partie comprise dans les tomes 1 à 8.
Rien de bien folichon dans le pitch de base de ce yaoi donc, mais le manga saura vite se révéler plus intéressant que la moyenne ! Déjà le cadre de garçons déjà majeurs et dans les études supérieures change des énièmes comédie lycéennes ou des salarymen qu'on rencontre habituellement. De plus nos deux héros sont dans une branche assez spécifique (en recherche dans les sciences agricoles). Celle-ci ne sera pas forcément énormément mise en avant dans le scénario mais leurs conversations autour du sujet sont toujours plus originales que de les entendre discuter de mathématiques ou de littérature par exemple. De plus les péripéties du manga se révéleront elles aussi plutôt différentes de ce que l'on peut voir habituellement. En effet, ce ne sera pas tant les conflits romantiques habituels auquel on aura droit mais aussi à plusieurs histoires plus tranche de vie comme Sôichi qui fait face à un incident dans le train, Morinaga qui rencontrera des difficultés dans ses études ou bien tout simplement la recherche d'un appartement pour les deux compères. On rencontrera également la famille des deux héros et les relations parfois étranges ou compliquées qu'ils entretiennent avec elle.
Bien évidemment, la romance restera malgré tout une des composantes principales de l'œuvre. Bon le premier tome démarre très mal puisqu'on croit une fois de plus assister à un énième yaoi où un couple démarre sa relation avec un viol et du harcèlement sexuel et des scènes bien hot, bref, la joie quoi. Heureusement au fil des tomes où l'on suivra la relation assez mouvementée des deux jeunes hommes, on se rendra compte que, contrairement à beaucoup d'autres yaoi, The tyrant remettra justement en cause la relation des deux protagonistes qui démarre donc d'une manière catastrophique. Sôichi, qui n'est déjà pas facile à vivre de base, n'hésitera pas à repousser Morinaga tant qu'et plus tandis que Morinaga décidera enfin d'assumer ses sentiments et fera tout pour que son rêve se réalise. Ainsi, on fera face à un couple qui aura beaucoup de mal à se concrétiser mais qui verra sa relation évoluer de manière "plutôt" réaliste (pour un yaoi, j'entends...) avec deux protagonistes qui prendront leur temps et tenteront petit à petit de comprendre l'autre et ses sentiments à leur égard. Bon on ne pourra tout de même pas faire l'impasse sur toutes les scènes NSFW qui sont légion. On ne va pas dire que c'est le summum du naturel mais elles auront au moins le mérite de ne pas être gratuites et de toujours apporter quelque chose dans le développement de l'histoire ou des personnages, rendant même certaines scènes assez touchantes plus loin dans la série.
Le tome 8 vient donc clore la première partie originale du manga qui se terminera de manière plutôt simple et classique. Néanmoins l'histoire principale aura fait le tour de toutes les intrigues lancées et conclue de manière efficace la relation des deux amoureux. Une histoire plutôt bien menée dans l'ensemble avec une romance bien rythmée et à la conclusion satisfaisante.
Un duo original
Vous le remarquerez assez vite mais l'histoire du manga ne tournera principalement qu'autour des deux héros que voilà :
Tatsumi Sôichi est un étudiant en Sciences agricoles et le senpai de Morinaga. Il est très intelligent mais assez rustre et peu avenant, du coup il n'a aucun ami mais il s'en fiche. Il s'emporte souvent et peut être très têtu mais il sait faire la part des choses et n'a pas mauvais fond. Il voue une haine aux homosexuels depuis que l'un d'eux a essayé de le toucher et que son petit-frère adoré lui a été "volé" par un homme. Sôichi est un personnage assez surprenant, d'apparence calme mais avec un tempérament de feu lorsqu'il s'y met, il ne manquera jamais de nous étonner. Son évolution est bien faite, la façon dont il apprend à mieux appréhender Morinaga est assez touchante. Et chose vraiment bien, c'est un personnage qui ne perdra en rien de son caractère explosif malgré son évolution plus romantique au fil du manga.
Morinaga Tetsuhiro est un étudiant en Sciences agricoles et l'assistant de Sôichi. C'est un garçon gentil, qui aime rendre service et semble parfois un peu maso sur les bords même, il est d'ailleurs le seul assistant à avoir réussi à supporter Sôichi sur le long terme. Malgré son air inoffensif, Morinaga pourra se révéler très déterminé lorsqu'il a une idée en tête voire même carrément hypocrite car prêt à tout pour arriver jusqu'à ses fins. Morinaga est un personnage assez sympathique d'une manière générale car il est facile d'approche mais il met un temps fou à se remettre en question et répète sans cesse les mêmes erreurs avec Sôichi, si bien que par moment ça devient lassant voire limite énervant. Heureusement, il a un bonne histoire pour rattraper et il sait aussi faire preuve de beaucoup d'attention envers celui qu'il aime, bien qu'on aimerait qu'il comprenne plus vite que non c'est non.
L'histoire amènera aussi quelques rares personnages secondaires, dont des personnages féminins, chose là encore plutôt rare dans les yaoi, montrant à nouveau que le cadre du manga se veut plus réaliste. Les autres personnages seront assez peu nombreux cependant car l'auteure ne les fera intervenir que lorsque c'est nécessaire. Ils se révèlent néanmoins assez sympathiques dans l'ensemble, bien que ceux-ci n'auront pas une grande influence sur le manga en général, celui-ci tournant principalement autour du duo de héros comme dit plus haut (il n'y aura même pas de vrai rival amoureux, c'est dire !).
En parlant d'eux, sachez que ce duo se révélera des plus efficaces ! En effet, Sôichi et Morinaga sont accrocheurs non seulement car leur personnalité ne fait pas trop clichée, mais surtout car il est rare de voir ce type de couple dans un manga yaoi. En effet, Sôichi est vraiment un personnage homophobe au possible au début de l'histoire (une question sur laquelle les protagonistes de yaoi ne s'attardent finalement pas beaucoup généralement) et c'est lui qui a l'ascendant sur Morinaga à la base qui se fait vraiment traiter comme un larbin. Mais dès que l'on entre dans la "romance" qui lie les héros, la situation se retrouve complètement renversée ! C'est Morinaga qui, sous ses airs de bon gars bonne poire, prend l'ascendant de manière étonnamment directe sur Sôichi qui, très peu porté sur l'amour, se transforme rapidement en vierge effarouchée, occasionnant bon nombre de situation désopilantes. On a donc un duo assez inédit qui n'hésite pas à renverser les codes et c'est en ça que The tyrant tirera principalement son épingle du jeu.
Une histoire plus terre à terre
Bien que ce soit l'humour, qui vous le verrez est tout bonnement hi-la-rant, qui prédominera dans le manga, on remarque vite que celui-ci sait aussi aborder des thèmes plus matures tels l'homophobie, l'acceptation par la famille ou encore le consentement. Des thèmes qu'on retrouve parfois dans les yaoi mais qui sont, dans The tyrant, explorés de manière un peu plus terre à terre et qui montre que ce sont des choses qui prennent du temps à régler (ou qui parfois ne se règlent tout simplement jamais). L'univers dans lequel se déroule la série se veut donc assez "réaliste" pour un yaoi, dans le sens où la plus grande majorité des personnages sont hétérosexuels et qu'être homosexuel est réellement vu comme tabou par la société.
Bon après, il reste les problèmes inhérents au genre yaoi, à savoir les scènes de viol et de chantage affectif dont la gravité est à peine survolée (quand elle n'est pas carrément tournée en dérision), les scènes de fanserv pour faire du fanserv, les raccourcis pris quant à l'évolution de la romance entre les deux personnages etc. Un problème assez récurrent du genre comme le savent peut-être les lecteurs aguerris, d'autant plus dans les plus anciens yaoi comme The tyrant, et avec lesquels on apprend malheureusement à faire avec afin de pouvoir apprécier le reste de la lecture... Dans ce sens, The tyrant est un yaoi qui, même si ils les utilise, n'abuse pas de ces codes à tort et à travers - contrairement à ce que laisse supposer le premier tome - et qui, comme dit plus haut, cherche aussi à leur donner du sens, ce qui lui permet d'être plus consistant que la majorité des yaoi du marché de l'époque. Néanmoins soyons d'accord, les problèmes restent malgré tout traités de manière très légère et superficielle comme c'est bien trop souvent le cas dans ce type d'œuvre. Heureusement ces dernières années, le genre a commencé à voir ses codes changer pour le mieux !
Visuellement si le manga peut paraître un peu brouillon dans les premiers tomes avec des cases encombrées et des scènes d'action parfois peu lisibles, le style s'améliorera rapidement pour devenir vraiment beau, TAKANAGA Hinako étant souvent prisée pour ses dessins. On a un style orienté yaoi mais qui tend quelque peu vers le shôjo. Les traits sont fins, se rapprochant parfois de l'esquisse, la mise en page est très dynamique et les pages sont de moins en moins encombrées par des onomatopées superflues, le manga se lit donc plus facilement. Comme dit plus haut, les gags de Takanaga sont particulièrement drôles, Sôichi et Morinaga ont vraiment une dynamique très amusante et ne manquent pas de répartie. Mais le manga saura aussi se poser quand il le faut pour instaurer une ambiance plus mature ou simplement plus charnelle. Les scènes chaudes sont efficaces et assez différentes sans tomber dans le vulgaire, malgré leur côté assez épicé (à ne pas mettre en toutes les mains donc). Ah et si vous vous posez la question, non, il n'est pas vraiment utile d'avoir lu Rien n'est impossible pour suivre The tyrant. Les références sont peu nombreuses et dans tous les cas faciles à comprendre au détour des dialogues donc vous pourrez apprécier la lecture de ce spin-off même sans rien connaître de l'œuvre dont elle est tirée à la base.
Un manga plus original qu'il n'y paraît
The tyrant who fall in love est un des yaoi à succès de ces dernières années.
Si il paraît simple au premier abord, on comprend cependant rapidement pourquoi il a si bien marché. Celui-ci se démarque des autres œuvres du genre en renversant certains codes sans pour autant en faire trop et en réussissant à parler aux fans du genre. Et c'est sans compter sur ses personnages développés, l'avancée originale de son histoire et surtout son humour à mourir de rire !
Un yaoi à l'ancienne avec les problèmes du genre qu'on ne connaît que trop bien mais que je recommande tout de même aux aguerris comme aux néophytes avec assez de recul pour la manière plus mature dont il traîte son histoire.