Totalement novice de l’univers Valiant, cette mini-série décrite comme le point d’entrée idéal a pas mal titillé ma curiosité. Les retours très positifs sur les comics et la petite hype autour du jeune éditeur Bliss Comics (dépositaire en France de Valiant depuis 2016 à la suite de Panini) ont fini de me convaincre. Les lecteurs n’ont en effet pas tari d’éloges sur le nouveau venu dans le monde du comics en VF, tant au niveau du contenu proposé que de la qualité de ses éditions. Pas mal d’interviews des deux passionnés derrière Bliss circulent ici ou là et permettent de mieux saisir le projet éditorial et son contexte.
Débuter dans l’univers d’un nouvel éditeur est toujours particulier. Aucun repère auquel se rattacher que ce soit en terme de personnage (même si vous n’avez jamais lu de DC, vous devriez en gros savoir qui est Batman) ou de concepts (les mutants chez Marvel, le multiverse chez DC…). Le premier tour de force de The Valiant est justement de donner la sensation d’être en terrain connu. En peu de pages, les deux auteurs Jeff Lemire et Matt Kindt parviennent à caractériser des personnages qui paraissent vite familiers. On ne se sent pas perdu et nul besoin de compulser du Wikipédia pour comprendre ce qu’il se passe. Ici réside certainement l’une des forces d’une maison encore jeune comme Valiant, en opposition aux vénérables Marvel et DC qui malgré des relaunches à la pelle ne peuvent faire table rase de plusieurs décennies d’histoire(s) (ce qui fait en même temps une bonne part de leur saveur).
Le récit s’ouvre sur une histoire très universelle, la lutte du bien contre le mal avec d’un côté l’immortel Gilad Anni-Padda, le Guerrier Éternel chargé de protéger les Géomanciens, sortes de sorciers en charge de la protection de la Terre, et de l’autre l’Ennemi Immortel. Et malheureusement, celui-ci gagne chaque match depuis plusieurs millénaires. Pour tenter de revenir au le score, le Guerrier Eternel va faire appel au reste du Valiantverse pour l’empêcher – pour une fois – de parvenir à ses fins et sauver la géomancienne du moment, Kay.
La traque de Kay sert de fil rouge a un récit extrêmement fluide qui permet de dresser le portrait d’une partie du personnel de chez Valiant. D’une partie seulement car l’histoire se concentre sur certains d’entre eux (Bloodshot, Kay, le Guerrier Eternel, Ninjak, le SHIELD local nommé GATE), le reste du roster Valiant faisant juste une apparition digne des grands crossovers du Big Two.
Si la trame générale repose sur des enjeux globaux très mainstream, Lemire et Kindt prennent le temps de donner de l’épaisseur à leurs personnages, en premier lieu via la relation qui se noue entre une Kay choisie malgré elle et confrontée à ses peurs intimes, et un Bloodshot machine à tuer expurgée de ses souvenirs. Les échecs perpétuels de Gilad le Guerrier Éternel, base du récit, procurent une vraie dimension tragique au héros, jusque-là incapable de remplir sa mission. En découlent par ailleurs des passages de violence assez crus (notamment tout ce que Bloodshot subit en l’espace de quatre numéros…), très éloignés de que si se fait chez le Big Two. Dans une interview, Jérémy de Bliss Comics estime ainsi que Valiant « est le chainon manquant entre le super-slip et Vertigo ».
La partie graphique est l’un des gros points forts de The Valiant. Principalement connu pour son boulot sur le Daredevil de Mark Waid, Paolo Rivera (encré par son papa, Joe) régale aux dessins et couleurs. Que ce soit sur les scènes d’actions (Bloodhsot dans la jungle), le character design (les différentes itérations de l’Ennemi Immortel) ou les expressions des personnages (le dialogue Bloodshot/Kay dans le noir et ses effets de lumières) son style entre comics et bande-dessinée européenne fait des merveilles. La colorisation très sobre rend le tout extrêmement élégant et colle parfaitement aux enjeux du récit. C’est d’ailleurs une réelle déception qu’il n’ait pas hérité pas d’une série régulière chez l’éditeur par la suite.
Un dernier mot sur le travail d’édition de Bliss, impeccable à une ou deux coquilles près. Le cahier bonus sous forme de making-of en fin d’ouvrage laisse la parole aux auteurs et au dessinateur, et également chose plus rare, à Dave Lanphear, en charge du lettrage.
Premier bébé de Bliss comics, The Valiant est une réussite à plus d’un titre. Tout d’abord pour ses valeurs intrinsèques, car c’est un excellent moment de lecture remarquablement illustré. La mini-série parvient à remplir parfaitement son rôle de rampe de lancement et donne envie de se lancer dans l’univers Valiant. On a hâte d’en lire plus !