« Vive le cognac » : où l'on apprend que Tintin est un petit cachottier...

Pour moi un des meilleurs albums de Tintin, Hergé nous proposant une belle ballade au Tibet, avec sa haute montagne, ses dangers, ses légendes, les Népalais et leurs superstitions, les Tibétains et leurs monastères… Mais aussi une sympathique aventure, dont le scenario est toutefois un peu tiré par les cheveux : Tintin ne désespère jamais, il y a toujours un rêve, un détail qui lui permet de croire à l'impossible, etc. Mais contrairement à certains autres albums de la collection, notamment les premiers, ces détails ne sont rien d'autre que des détails, qui gênent beaucoup moins ; on est bien davantage pris par l'humour, l'aventure rebondit régulièrement, on ne s'ennuie pas un instant, et là est bien l'essentiel.


Le héros à la houppe est accompagné par un capitaine Haddock au sommet de sa forme, un peu distrait, sans doute, mais qui n'a pas perdu son vocabulaire et n'oublie pas l'essentiel, ne partant pas les mains vides pour l'expédition (une ou deux flasques, un peu de tabac)… Mais Tintin n’est pas en reste dans cet album, ce n’est plus le freluquet innocent et exemplaire des débuts, notre héros cachait bien son jeu jusque là, mais il picole peut-être autant que Haddock. En effet, alors qu’après avoir perdu l’assistance des sherpas, il affirmait : « nous laisserons ici tout ce qui n’est pas strictement indispensable », on le voit un peu plus loin dénicher du cognac et en proposer à son compagnon en manque, et râler ensuite car il n’en a pas eu alors que Haddock a fini la bouteille… Le petit cachottier !


Le scenario comprend bien quelques facilités, comme le lancement laborieux de l’histoire, notamment avec le peu crédible « rêve prémonitoire... ou télépathique » révélant à Tintin la survie de son ami. Ou, par exemple, le fait improbable qu’Haddock retrouve la grotte bouchée par la neige en s’asseyant dans celle-ci avant de tomber en arrière. Mais le gag rend la facilité acceptable, ça passe plutôt bien.


Car l’album est empli d’humour. Hergé montre là sa maîtrise des ressorts du comique avec un capitaine Haddock exploité jusqu’à la lie, multipliant gaffes et maladresses. Et si certains gags sont prévisibles, ils nous font tout de même bien rire. D’autres sont au contraire bien pensés, comme la Castafiore qui les poursuit jusqu’en haut de l’Himalaya, et Hergé n’omet pas non plus de parsemer l’album de fausses pistes, tout à fait bienvenues.


Et puis quel chemin parcouru depuis le Congo ! 8000 km, tout de même, je me suis renseigné… A relativiser malgré tout, car en trente ans, ça fait une moyenne journalière inférieure au kilomètre… Mais l’évolution est notable : là ou Tintin au Congo véhiculait des idées racistes et favorables à la colonisation, Tintin au Tibet s’est bien adapté aux évolutions historiques, Haddock étant par exemple ridiculisé pour sa méconnaissance du statut particulier des vaches en pays bouddhiste…


Bref, bien que l’on puisse trouver que l’album comprend parfois un peu trop de texte, il me semble que c’est une réussite, le fruit d’une bonne alchimie, d’un cocktail d’aventure et d’humour qui fonctionne bien.

socrate
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le 24 nov. 2013

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