Tokyo Blues est une nouvelle démonstration du pouvoir des couvertures. J’ai été hypnotisé par celle proposée, qui capture un instant du quotidien, où l’on se demande si le personnage enlève ou défait sa chaussure, ce qu’elle a fait avant, ce qu’elle fera après… aussi c’est avec un petit déchirement que je me suis résolu à tourner la page pour entrer dans le vif du sujet.
À l’intérieur se trouve une dizaine d’histoires courtes (dont la dernière en sens de lecture « occidental »), réalisées entre 2012 et 2018, qui nous font naviguer entre les époques, les personnages, les couleurs, les styles graphiques. Les pages 281 à 297 sont du reste des commentaires de Tokushige Kawakatsu sur ses récits, ses influences… un complément utile complété par un entretien mené par Léopold Dahan avec l’auteur.
J’étais resté un peu circonspect devant la traduction de Violence & Peace où certains passages sonnaient mal à mes yeux. Force est de reconnaître que celle qui nous est proposée ici ne m’a pas du tout laissé de telles impressions.
L’impression qui domine est l’étrange continuité qui se dégage. Des histoires adaptant des récits d’auteurs japonais suivent celles qui traitent des transformations connues par des individus avant de finir sur des récits nous conduisant dans la ville de Tokyo. Finalement on a l’impression de voyager avec nos yeux, à l’instar de la conclusion d’un des récits et finalement de saisir par notre regard l’unité d’un travail dispersé en différentes histoires mais qui sonnent toutes comme une déclaration d’amour pour le gekiga et le magazine Garo.
La tonalité d’une douce amertume se manifeste lorsque l’on referme l’ouvrage. Cette tonalité et cette couverture conduisent alors nos oreilles à se tourner vers un son qui pourrait accompagner le récit et c'est (l'inégalable ?) "The Real Folk Blues" qui s'impose alors... Un moyen de boucler la boucle ?