Après un premier volume bluffant sur bien des points, Tokyo Kaido est de retour avec un second tome qui nous entraîne un peu plus profondément encore dans l'existence de personnages qui finissent par nous imprégner, renforçant un peu plus encore la dimension incommensurable de la série.


Christiana Clinic : y a-t-il un pilote dans l’avion ?


La disparition du Dr Tamaki à la fin du tome 1 coïncide avec une espèce de révélation. Outre le médecin qui ne fait plus guère illusion avec sa perruque, c’est au tour de la moustache du gardien, de vaciller. De quoi alimenter les questions liées à l’identité véritable de ces personnes. Il y a du mystère. Comme le dit Hashi, « tout le monde veut cacher ce qui est enfoui dans son cœur » alors qu’il est désireux de lire ce qu’il y a dans celui des autres.


Chacun a donc un attribut qu’il cherche à dissimuler car cet élément peut devenir gênant dans telle ou telle circonstance. Chacun peut faire l’expérience du stigmate ce qui conduit à réinterpréter la frontière entre patients et personnel soignant. Les liens entre eux se resserrent – même si le processus est incertain – en même temps que ceux entre les patients se renforcent sans pour autant impliquer une communication pleine et entière.


Vivre sa vie ou faire avec


Pour autant la vie pour les « enfants prodiges » de la clinique n’est pas rose tous les jours. Pas facile de s’accepter tel que l’on est surtout que le partisan de cette idée, le Dr Tamaki est parti... paradoxalement pour donner corps à cette idée. On peut alors souligner deux choses : i) d’abord ce n’est pas parce que l’on a fondé une famille, que l’on occupe un bon poste, etc. que l’on est heureux, épanoui ; ii) s’accepter tel que l’on est peut conduire à des ruptures fortes avec sa vie passée.


Cette attitude contraste avec celle de la mère de Hashi. Antithèse de la mère présente dans le manga de son fils, elle reste en couple avec un homme qui la trompe et qu’elle n’aime plus. Conserver ce que l’on a plutôt que de repartir sur de nouvelles bases. Cette attitude en soi n’est pas problématique, le souci étant qu’elle semble révélateur d’une certaine tendance : la mère de Hashi n’aime pas les perturbations. Aussi la maladie de son fils est une plaie, elle préfèrerait qu’il se fasse opérer. L’échange entre eux révèle qu’elle n’entend pas ce que lui dit son fils, comme s'ils ne parlaient pas la même langue.


Les jeunes patients ont donc devant les yeux deux voies qu’ils peuvent emprunter. Laquelle est la meilleure ? Devant cela Hashi voudra-t-il se faire opérer ou préfèrera-t-il rester tel qu’il est ? On pourrait dire que son manga donne une piste…


Vacillements


La forêt de cyprès qui était auparavant si menaçante semble apprivoisée. Si elle continue à conférer un côté huis clos au manga, elle accueille des moments de calme et réunit les dimensions réelle/imaginaire comme pour mieux brouiller ponctuellement les repères, matérialiser les sentiments de Hashi et renforcer la place de son manga.


Un manga qui poursuit sur sa lancée et dont on connaît le terme. En plus de la mise en abyme déjà évoquée précédemment il apparaît un peu plus encore comme un refuge, le réceptacle de ce que Hashi ressent et désire. Hideo en est fan.


Une autre création fait son apparition dans le volume. De « l’art brut » de la part du patient atteint de trous de mémoires. Une création assez hallucinante dans sa construction où l'on pourrait y lire une critique contre les créations a priori innovantes dans la forme qui ne font que reprendre certaines pulsions pour tenter, en partie, de les sublimer.


Il ne peut en rester qu’un


Cet avant-dernier volume (déjà) de Tokyo Kaido met l’accent sur un brouillage des frontières. Il met également en lumière des problèmes de communication, des ratés que l’on voit à la fois dans les échanges comme dans les dessins où les cheveux, les lunettes, vues de dos… empêchent les personnages de vraiment se regarder, se voir. Il y a un caractère incomplet, inachevé, comme pour faire écho aux personnages qui doivent encore puiser en eux-mêmes et dans les autres pour « guérir » au-delà du strict plan médical. Y arriveront-ils dans le dernier volume ?


Une version illustrée est disponible ici.

Anvil
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le 4 mai 2017

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