Tomié fut ma première incursion chez Junji Ito grâce à un emprunt en médiathèque. Je n'avais pas le même parcours de lecteur que maintenant ni les mêmes goûts et je n'avais pas compris cette répétition de la violence envers le personnage principal. Cela m'avait déplu et je n'avais pas dépassé les 200 pages sur les plus de 700 que contient le manga.
La présente lecture est donc presque une réelle découverte tant j'ai dévoré le pavé et pu enfin profiter pleinement des qualités de l'œuvre.
Tomié est l'histoire d'une jeune fille/femme « maléfique » que l'on va suivre au fil d'une multitude d'histoires courtes. On va découvrir petit à petit ses caractéristiques, son caractère terrifiant et sa relation toute particulière à la beauté. Une multitude d'hommes vont tomber sous son emprise bien qu'ils ne soient pas à plaindre car la violence vient bien souvent d'eux.
Le résumé de manga-news : Tomie Kawakami est le mal incarné. Reconnaissable entre mille grâce à ses longs cheveux noirs et son grain de beauté sous l’œil gauche, elle déclenche des passions chez tous les hommes qui croisent son regard, jusqu’à les pousser à l’assassiner dans d’atroces circonstances. Ce que ses amants ne savent pas, c’est qu’une fois sous son emprise démoniaque, il est impossible de lui échapper et que la mort elle-même fait partie de son plan de conquête. Ses victimes, partagées entre l’amour et la folie, vont petit à petit réaliser l’indicible : peu importe le nombre de fois qu’ils la tueront, le monde ne pourra jamais se débarrasser de Tomie. Pire, son pouvoir ne fait que grandir inlassablement à chacune de ses renaissances.
L'enchaînement d'histoires courtes pourra peut être gêner certains lecteurs, étant fan des récits courts cela ne m'a pas du tout embêté bien au contraire.
Toutes les histoires sont plus ou moins liées et l'évolution du récit est très intéressante et logique. Les dernières se suivent dans leur narration et forment un récit plus long qui clôt à merveille l'histoire de Tomié.
Il est intéressant de voir que ce n'est pas uniquement le style graphique de Junji Ito que l'on voit évoluer au fil du livre. Les thématiques des différentes histoires changent avec les années tout comme la manière dont l'auteur raconte son récit. Il est passionnant de voir l'écriture et le dessin de Junji Ito s'affiner, s'affirmer et se diversifier pour atteindre des sommets. Le style de l'auteur s'affirme et s'affine donc tout au long de la lecture et la rend doublement intéressante : pour la révélation d'un artiste et pour le plaisir de lecture procuré par les histoires.
Visuellement, je trouve Tomié superbe de bout en bout. J'adore le trait épais et hésitant des premières histoires qui donne un cachet vraiment unique. Le dessin a beau évoluer constamment au fil des pages, je trouve qu'il s'accorde toujours de manière juste au récit. L'ensemble est étonnamment cohérent visuellement et certaines histoires proposent de vraies prouesses graphiques.
Junji Ito manie l'étrange, le déroutant et l'horreur visuel à la perfection et la beauté surréelle de Tomié est déconcertante tout comme son aspect terrifiant. L'irréel est palpable et certaines pages d'épouvante sont aussi impactantes visuellement que prégnante dans les pages. L'art graphique de l'auteur est vraiment impressionnant.
Ce n'est pas un hasard si la beauté de Tomié est au centre de l'œuvre. Sa beauté fascine mais est également l'origine d'une terreur toute particulière. Le personnage de Tomié manipule, est cruel et son caractère fantastique suscite l'effroi. Pourtant, d'où vient la violence ? Tous les hommes qu'elle croise vont finir par être obnubilés par elle au point de la harceler, de la violenter et beaucoup vont essayer de la tuer. Ce n'est que ma vision personnelle mais j'ai l'impression de lire une critique du comportement masculin envers la beauté féminine. En effet, Tomié est chosifié, tous veulent la posséder et ne veulent pas qu'elle leur échappe. Si Tomié est montré comme un personnage maléfique de par son aspect fantastique, les hommes ne sont pas en reste et se montrent tout aussi terrifiants.
Je ne sais pas si c'est le propos de Junji Ito où si c'est moi qui le déforme mais j'ai bien aimé ce double emploi de l'horreur qui peut être vu de plusieurs manières.
Bien que le style et les œuvres des deux auteurs soient très différents. Je n'ai pas pu m'empêcher de faire un parallèle entre Junji Ito et Shintaro Kago. Les deux auteurs font passer une forme d'horreur (très différentes) via une représentation du corps et de son image et un humour absurde qui passe par une forme d'ultra violence. Les thématiques et l'humour des 2 auteurs sont très différents et la comparaison maladroite elle m'a traversé l'esprit en écrivant ces lignes. En tout cas j'aime beaucoup l'humour présent entre les lignes de Tomié et son regard acerbe et ironique sur la beauté et le regard que l'on porte sur la « beauté ».
Tomié c'est quand même un pavé de plus de 700 pages qui contient une grande quantité d'histoires courtes qui forment un tout autour d'un personnage mystérieux et fascinant.
Après cette lecture, je suis définitivement conquis par Junji Itô et Tomié va être un manga que je relirai de temps en temps avec un grand plaisir.
J'ai eu du mal à parler de Tomié et je m'excuse pour l'aspect décousu du billet mais je ne peux que recommander de découvrir Junji Ito et pourquoi pas avec cette grande œuvre qui a marqué plusieurs générations de lecteur(ice)s.