Cet opus faisant suite à l'album qui a ouvert les portes d'une série mythique, fait avancer l'histoire en permettant encore à Charlier de signer un scénario très dense et plein de scènes intenses et excellentes : celle dans Tucson où Blueberry doit échapper aux Indiens, la longue explication entre lui et Crowe de retour au fort Navajo, celle du camp des Mescaleros. Charlier continue à modeler cet univers assorti de ses textes abondants mais passionnants, truffés des expressions argotiques U.S. qu'il affectionne (Gosh, Hell, Blood 'n'guts...et autres "rascal" et "coyote à foie jaune"..).
C'est le premier contact avec des Mexicains qui trafiquent avec les Apaches, et qui sont dépeints comme des êtres dépourvus de scrupules, traîtres et veules ; il en sera toujours ainsi pour ces personnages au cours de la série. On retient aussi que Blueberry prend encore plus d'épaisseur, car Charlier met vraiment son personnage encore plus en valeur, par sa tentative dans le désert, puis dans Tucson. Quant à Bascom, sa folie et sa haine raciste s'accentuent. Je regrette que sa mort ne soit pas montrée, elle est narrée à Blueberry par Crowe lors du long dialogue dans le fort déserté.
Le western hollywoodien est à son apogée dans les années 50 et 60, la série Blueberry s'inscrit donc dès ses débuts dans cette tradition, ce premier cycle faisant immédiatement penser aux films de John Ford sur la cavalerie. Ici, l'épisode et même le suivant se rapprochent d'une conception du western à grand spectacle : les personnages sont nombreux, la figuration importante, les décors grandioses, et les scènes d'action variées. Lors de ces premiers épisodes, le western italien est en plein essor, Sergio Leone est déjà un dieu, le Bon, la Brute et le Truand vient de cartonner en 1966, année où paraît Tonnerre à l'Ouest ; cependant, Gir choisit d'ancrer son western dans le clacissisme hollywoodien, évitant les excès baroques du western italien, pas de contre-plongées et de perspectives exagérées, peu de gros plans. Son influence cinématographique est évidente, notamment dans le format de certaines cases qui suggèrent le cinémascope. Gir commence à un peu mieux maîtriser son trait, même si les visages continuent d'être son point faible, et pas seulement Blueberry dont la ressemblance physique avec Belmondo est ici plus appuyée, mais aussi avec d'autres personnages comme Crowe, Cochise ou Bascom dont les traits sont protéiformes.
Un album plus abouti qui continue d'offrir un plaisir rare, le dessin s'améliore légèrement, et la narration prend ses repères, laissant augurer une suite encore meilleure. A noter que c'est le premier Blueberry qu'on m'a offert à l'âge de 11 ans, ça s'oublie pas ces choses là, mais j'ignorais alors qu'il s'agissait d'un tome 2 et que cet album faisait partie d'un cycle de 5, il me faudra patienter longtemps pour que j'achète moi-même les autres.

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le 4 sept. 2020

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Ugly

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