Critique et extraits sur: https://branchesculture.com/2016/11/09/la-presidente-2-totalitaire-bd-marine-le-pen/
Vous vouliez une femme comme présidente? À défaut d’Hillary, vous aurez Marine! Quand François Durpaire nous a annoncé, l’année passée, son intention de donner une suite à La Présidente, son docu-fiction best-seller qui mettait Marine Le Pen à la tête de la France dès 2017, on était sceptique. Depuis, les mois se sont écoulés, pas mal des prédictions dressées par François Durpaire et Farid Boudjellal se sont réalisées et les auteurs ont forcément voulu prolonger le devoir plus que le plaisir d’aller voir ce qu’il se passait plus loin dans le futur monstrueux qu’ils imaginaient (mais pas tant que ça). Et à la lumière des événements de ce jour, l’élection de Donald Trump, La Présidente 2 – Totalitaire nous revient comme un coup de bambou, peut-être encore plus percutant que le premier opus.
Résumé de l’éditeur: Après un quinquennat de gouvernement « bleu marine », la présidente prépare sa réélection. Le pays est plus divisé que jamais. La France FN défend son bilan : préférence nationale et protectionnisme, pouvoir sécuritaire et surveillance numérique. La résistance s’organise autour d’un candidat surprise. Le terrorisme rôde. Marion Maréchal-Le Pen s’oppose à sa tante. Soudain, les événements s’accélèrent…
Tout va bien, tout va bien. En 2022, ne dites plus « Liberté, Égalité, Fraternité » mais plutôt « Unité, modernité, sécurité ». Dans ces trois mots glaçants et ayant oublié l’humain pour le battement régulier des robots tueurs, il y a tout ce que nous dit Totalitaire. Le bleu Marine s’est fait encore plus sombre et trash que prévu. Les drones ont envahi le ciel et le monstre créé par Marine Le Pen a dépassé le maître, l’entraînant un peu plus vers l’irréversible.
C’était sans compter les loups (qui sont plus que jamais des loups pour l’homme et la première femme de France) aux dents longues qui attendent dans l’ombre et un jeune leader d’opinion, musulman et plébiscité par le peuple: Mohammed Labbes. Un homme politique qui a des valeurs et pourrait renverser la vapeur si on lui laisse trop de latitude. Et la Marine et ses complices conseillers de verser un peu plus dans le totalitarisme pour le mettre en prison sans raison et avec une facilité déconcertante. Une machination qui ne fait qu’attirer un peu plus la France vers le fascisme (qu’on pensait) d’autrefois et la haine exaltée de l’autre alors que les attentats n’ont pas cessé.
Du vent, du bluff, des mots, nous chantait Gold dans les années 80, et c’est exactement ce dont il est question (entre mille autres horreurs développées sur base d’enquête, de chiffres, de prévisions aussi crédibles qu’effroyables) dans Totalitarisme. À commencer par un sondage TF1/Le Figaro qui vient semer le doute et permet à Marine d’élaborer son plan machiavélique. On ne peut s’empêcher de penser que les sondages, tout démocratiques soient-ils, sont des armes à double-tranchant et ont sans doute peser dans la victoire inattendue de Donald Trump, ce funeste 9 novembre. Une fausse idée de la réalité qui en amène une autre, réelle et implacable, cette fois.
Du bluff aussi quand lors d’un débat télévisé avec Valls, seul représentant politique d’une classe désormais dépeuplée (comment ça, c’est déjà le cas?), Marine Le Pen brandit un tas de feuille vierge mais laissant penser que le féroce Manuel a un gros dossier à cacher. Dans ce deuxième tome, ça parle beaucoup, les images ultra-réalistes (on se croirait dans un jeu vidéo) de Farid Boudjellal sont le support efficace des jeux d’ombres et de lumière qui font l’intérêt de la chose politique et que François Durpaire met redoutablement en application. N’est pas Nostradamus qui veut, et Durpaire n’entend pas l’être, il constate juste que l’histoire se répète et en tire les leçons. Ainsi prédit-il (alors que l’ouvrage est imprimé depuis plusieurs semaines) que Trump est à la barre et il ne s’arrête pas là. Allant jusqu’à appliquer un couvre-feu imparable sur Paris. Mais le meilleur du pire est encore à venir.
Sans concession avec la peur et l’horreur, les deux auteurs signent un ouvrage encore plus puissant que les prémisses (peut-être est-ce aussi l’effet de la deuxième fin de l’innocence, la première étant le 11/9, la deuxième étant le 9/11, ce jour où l’Amérique s’en est retournée dans ses plus bas instincts). Dans Totalitaire, tout est logique et étudié. Heureusement, tout n’est que fiction… À moins que… Car les hypothèses soulevées par le duo sont loin d’être les plus improbables. Et c’est sans doute le pire. Alors qu’on doutait à tort de l’intérêt de cette suite, on attend le troisième tome qui nous semble obligatoire. En espérant qu’en 2017, le/la président(e) n’aura pas fait fi de la liberté de presse et de publication. On n’est pas à l’après de ça, par les temps qui courent.