La rencontre entre un navigateur, Raul, une petite île quasi-déserte et une femme, Ana. Hasard heureux qui produit une sorte de promenade romantique désabusée (sinon l'errance presque amoureuse d'un étrange trio), faite de ratés, d'incompréhension et d'aléas, mais parfois ponctuée quelques beaux moments. En arrière plan, il y a la pleine mer où l'horizon offre de grands ciels pastel saturés par les goélands...
Splendide de bout en bout, Traie de craie est un petit chef-d'œuvre, l'oxymore d'un huis-clos marin parfait. Il marche sur les traces des grands du genre, dans lesquels se développe un regard personnel sur une forme de rêve maritime : on n'est pas loin d'un Stevenson, d'un Verne (le Nautilus ou la joie d'un enfermement douillet au cœur de la tempête du monde expliquait Barthes...), d'un Poe (ah, le scarabée d'or !) ou d'un Defoe (voir plus simplement d'un Pratt : cf. l'hommage que Prado lui rend dans les dernières pages) tant chaque case sait distiller avec délice une fascination pour la mer et les îles, pour le voyage et l'errance, et peut-être pour ce qui fait, finalement, le plaisir d'une rencontre.
Mais cette histoire a aussi une face sombre, d'autant plus marquante que les quelques liens créés - difficilement - paraissent fragiles... Car la violence, sorte de houle amère, n'est jamais bien loin : elle dit les errances maladroites sinon les coups de folie des hommes dans un no-man's land ayant abandonné ses lois à la mer.
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