Un exercice de style froid et pas très concluant
Dans Trois Christs, Valérie Mangin et Denis Bajram racontent la réapparition du saint suaire dans un village de Champagne au XIV ème siècle selon trois versions différentes: Dieu existe, Dieu n'existe pas et Dieu est radioactif (!). Les auteurs se sont astreints à réutiliser un maximum d'illustrations et de textes dans chacune des trois versions.
Je salue l'intention de proposer quelque chose de neuf (pour de la bédé), mais justement... ce Trois christs sent un peu trop l'exercice de style, pas hyper concluant de surcroit. Certaines images réemployées par Bajram tombent mal et confèrent aux histoires, pas passionnantes au demeurant, un caractère forcé. Le dessin au pinceau "crade", certes original et participant sans doute au sentiment de confusion entretenu par l'auteur, donne surtout l'impression au lecteur d'être atteint de presbytie. De plus, l'effet de chaleur qui résulte généralement de ce type de procédé n'est pas là et tout reste désespérément froid, personnages comme décors. Plus généralement, on peut aussi s'interroger sur la pertinence, dans le contexte d'une bédé, de cette démarche qui consiste à raconter des choses différentes avec le même matériel. Dans le cas d'une vidéo, cela renvoie directement à une réflexion sur l'information et son traitement, mais dans le cas qui nous occupe, peut-être qu'on tourne un peu en rond...
De par son concept, Trois christs demande à être relu. C'est même sa raison d'être. Or, pour toutes les raisons évoquées plus haut, on n'a pas trop envie de s'y recoller, moins en tout cas que pour le précédent ouvrage de Denis Bajram, Universal War 1.
Bajram cherche à bouleverser les codes, il est ambitieux et c'est bien, mais il ne faudrait pas qu'il oublie en route que l'histoire, c'est important aussi.