Une œuvre bourrée d'émotions à découvrir et à aimer... deux fois
Une première fois, on se laisse porter par l'aventure de Joachim, un bambin joyeux qui vit au creux des collines avec des parents aimants et amoureux. À l'écart, et ignorants du monde extérieur, ils goûtent les joies simples de la nature et d'un quotidien paisible, s'épanouissant dans une sphère rassurante, presque édénique. Presque. Car soudain tout va changer. Apparaissent trois cavaliers mystérieux et oppressants qui vont briser la quiétude de leur bonheur. Trois ombres insondables, inatteignables, menace sourde et omniprésente, qui semblent en avoir après l'enfant. Alors, plutôt que se soumettre, le père décide de fuir avec son fils...
La seconde fois, lorsque l'on a saisi tous les enjeux de cette fuite en avant, on apprécie davantage la parabole subtile d'où émergent d'abord les peurs humaines les plus profondes. La mort, l'angoisse de l'inconnu, l'impuissance devant l'inacceptable, l'inéluctable. Le combat d'un homme qui, plus qu'une fugue échevelée, divulgue, au travers d'attitudes, de petits riens qui pourraient sembler si futiles, toute la tendresse d'une relation filiale, toute la dignité d'un amour paternel. Une humanité qui nous explose à la figure, devenue tellement plus évidente et plus belle.
Un double plaisir qui dévoile d'autres facettes de l'auteur. Graphiquement, il passe du trait coloré et anguleux d'un Ring Circus ou d'un Shaolin Moussaka à un magnifique noir&blanc, parfois violent ou inquiétant, souvent doux et qui, par moments, n'est pas sans rappeler la ligne de Nancy Peña. Soutenu par un découpage très «cinématographique», on ne peut qu'adorer l'éloquence et la beauté qui se dégagent. L'artiste se révèle beaucoup plus intimiste, n'hésitant pas à glisser du réalisme à l'onirisme. Évitant l'écueil du pathos et de la pleurnicherie, il nous offre un récit d'une grande puissance et d'une grande justesse.
Un autre Cyril Pedrosa.