Une petite famille dans un décor bucolique se rend compte que trois personnages rôdent autour de la maison. La vie est pourtant toute douce, faite de labeur, de petits bonheurs simples, de complicité et de grande présence. Seulement, s’il faut en croire la « folle », les trois ombres sont de mauvais augures et viennent pour l’enfant, Joachim.
Le thème fort, presque adulte, de la perte d’un être cher, de son enfant, est traité ici avec beaucoup de finesse : la force est de ne pas tomber dans un voyeurisme ou un traitement pauvre de sens. Ici les deux parents ne réagissent pas de la même manière. Et, pour une fois, nous suivons ce père, force de la nature, dans sa fuite en avant, dans cette croisade pour devancer avec son enfant les trois ombres où qu’elles se trouvent. Au fil du voyage, les différentes morts sont abordées: accidentelle, naturelle, meurtre, choix mais aussi immortalité.
Malgré le thème, cette bande dessinée n’est pas plombante. Elle est au contraire pleine de peps, d’espoir. C’est aussi comme un récit initiatique vers sa propre mort, celle de l’être cher, et aussi vers la vie. En cherchant un refuge vers les origines, c’est soi que l’on trouve. Faut-il encore pouvoir retrouver l’autre après la perte.
Aux alentours aussi d’autres sujets, juste à la superficie de cette fuite, de cette perte de repères et de contrôle du papa. Des personnages secondaires et qui ont aussi une valeur propre dans cette métaphore avec la traite d’esclave, les gitans, les exilés, les handicaps, la bourgeoisie.
Le style accompagne très bien l’histoire. Les dessins sont en noir et blanc et selon l’atmosphère vont de traits fins, clairs et précis à des hachures ou des marquages. Les arrondis des arbres aux entrelacs des forêts où encore les « gravures » de la magie. Certains passages sont comme des poèmes.