Ciao l'âne
Parlons un instant des femmes qui s'essaient au Shônen. Parlons-en en employant les termes les plus soutenus qui puissent se concevoir afin de ne pas outrepasser le cadre de la loi sur les...
le 25 juin 2020
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Parlons un instant des femmes qui s'essaient au Shônen. Parlons-en en employant les termes les plus soutenus qui puissent se concevoir afin de ne pas outrepasser le cadre de la loi sur les discriminations féminines. Des mots que je m'apprête à étaler ici même, un sur trois m'est resté entre les dents. Principalement des adjectifs qui, pour bon nombre d'entre eux, rimaient avec lasse ou syncope.
L'impair est de taille considérable et ne se borne pas au seul chiffre un. Les hommes salopent suffisamment le Shônen depuis un certain temps sans que ces dames n'aient à rajouter leur grain de sel. Parce qu'elles sont salées leurs créations. Critiquer du CLAMP, ça n'est pas l'affaire d'un long fleuve tranquille ; c'est une croisade que j'entreprends, pas une croisière. Et l'épée brandie, je m'apprête à l'abattre sèchement afin de trancher sévèrement ; les femmes dans l'édition Shônen, ça suffit.
Bien sûr, il s'en trouvera toujours pour m'intimer à la clémence, à me rappeler qu'il se trouve tout de même de bons ouvrages dans le lot. Mais pour une bonne surprise, combien de fléaux ? Il y a aussi des avantages à ce que l'Apocalypse advienne, rares cependant seront ceux à en souhaiter la venue prochaine. Je n'étais certainement pas féministe avant d'enchaîner les critiques mangas, mais autant de lectures de Samurai Deeper Kyo, D. Gray Man, Reborn, Ranma 1/2, Black Butler, Blue Exorcist et autres Pandora Hearts auront achevé de me convaincre de ne jamais le devenir. L'affaire est grave et mes nerfs éprouvés ne pourront que m'enjoindre à le rappeler, au point même où le recours diplomatique est de mise.
En effet, je compte joindre à cette critique une lettre ouverte adressée à sa majesté impériale l'empereur Naruhito (qui ne manque jamais une de mes critiques) afin de m'en faire un allié de poids dans ma croisade contre le Shônen féminin. Il en va de la paix dans le monde des hommes. Car si je me retrouve encore un jour à lire une purge pareille, je puis assurer que l'option nucléaire tactique sera envisagée.
Tsubasa Reservoir Chronicle est donc un manga de CLAMP. Une pièce spéciale de son répertoire car nous étions supposément tenus de la lire en parallèle de xxxHolic, les deux œuvres s'interpénétrant fréquemment d'une intrigue à l'autre. Certes, le procédé narratif a un rien et même un quelque chose d'innovant mais pourtant rien pour me séduire. Il est frustrant de lire des mangas en kit. C'était une fausse bonne idée que celle des auteurs ; j'applaudis volontiers l'audace mais boude résolument la démarche et plus spécialement ce à quoi elle aboutira une fois accouchée sur papier. Nécessaire, ça ne l'était certainement pas ; souhaitable, encore moins.
Comprenant depuis ma plus tendre enfance que les mêmes causes engendraient les mêmes effets, je freinais des quatre fers à l'idée de devoir un jour relire du CLAMP. Sautiller gaiement jusqu'à ce qui se présente à moi comme un charnier éditorial pestilentiel ne fait décidément pas partie de mes prérogatives de lecture. xxxHolic avait son charme pour lui, sa teneur. Cette dernière n'était pas susceptible de séduire chaque âme qui s'y confronta mais avait au moins le mérite d'exister. Il y avait un socle par-dessus lequel bâtir un édifice, une base en tout cas assez solide pour construire une histoire et un univers capable de tenir la route.
Tsubasa Reservoir Chronicle pourrait être interprété comme une tentative réussie pour CLAMP de faire relativiser tout ce que xxxHolic avait de mauvais ; un moyen pour ces dames de faire savoir à son lectorat que ça peut toujours être pire et qui n'hésite d'ailleurs pas à le lui démontrer devant ses yeux non pas ébahis mais contrits.
Une lecture de Tsubasa Reservoir Chronicle est faite pour pour être regrettée, pas pour être appréciée. Comment retirer un autre ressenti d'une pareille lecture alors que CLAMP paraît nous forcer à haïr leur œuvre. Je n'oserai cependant pas prétendre qu'elles ne pourraient rien produire de pire ; je craindrais alors de les encourager à me prouver le contraire. Elles se seront abstenues de nous mettre du yaoi dans un Shônen ; j'imagine que l'on peut au moins se réjouir de ça. Car d'une lecture de cet acabit, même la plus insignifiante prouesse nous fera l'effet d'un réel mérite artistique. L'œuvre ne peut tirer ici sa force que du contraste qu'elle exerce entre elle et le bon goût. À force de ne rien en tirer, peu, chez elle, devient beaucoup. Mais même de peu, il n'y en aura point.
Moi qui pensais naïvement savoir à quoi m'attendre pour avoir lu xxxHolic me suis alors retrouvé perdu en rase campagne. Pas généreuse la campagne. Quelques visages familiers laissaient pourtant entendre que je vaquerais en terrain connu. Mais tout cela n'était que poudre aux yeux, j'étais bien perdu et pas un protagoniste n'était disposé à m'indiquer la bonne route à suivre. Il n'y a qu'un chemin qui vaille la peine d'être emprunté dans l'aventure Tsubasa Reservoir Chronicles, c'est celui qui commence lorsque l'on ferme un de ses volumes sans intention de le ré-ouvrir.
Mais l'exercice de la critique motivait ma lecture plus que l'œuvre elle-même ; il me fallait poursuivre ma route malgré les orties, les ronces et le scénario.
Sakura pour toujours et à jamais, en tout temps et à tout endroit ; voilà qui constitue peu ou prou ma définition de l'enfer. Elle perd de son attrait auprès du lecteur alors qu'elle n'est plus qu'une gourde ballottée entre les mains expertes de mâles qui semblent pouvoir déterminer ce qui est le mieux pour elle. CLAMP ne se sera essayé au Shônen que pour le pire de l'exercice du genre. Le peu, le rien même qui donnait un semblant de corps à ses personnages dans leurs œuvres précédentes est ici annihilé. Maintenant, il sera question de Sakura chasseuse de tartes, car elle en mérite bien treize à la douzaine à multiplier les jérémiades comme elle le fait. Après avoir été une protagoniste vigoureuse et énergique dans sa propre série, elle n'est plus que la femme trophée de Shaolan qui jure ses grands dieux à chaque chapitre qu'il la protégera. C'est la méthode Besson, les éphèbes insipides en supplément. Resituer du Shôjo dans un Shônen ou du Shônen dans un Shôjo avec l'habileté de CLAMP revient à faire émigrer un pingouin en jungle équatoriale ou une panthère sur la banquise ; le résultat promet d'être aussi prévisible que désastreux.
Le manga est clairement mal construit. Les personnages et leur psyché nous sont présentés le plus sommairement du monde et lancés dans une aventure qui, s'y l'on n'a pas lu xxxHolic, perd considérablement en clarté. Tsubasa Reservoir Chronicles a tout d'une fan-fiction axée sur les œuvres précédentes de CLAMP, à commencer par l'inconsistance de l'écriture. Les mêmes personnages à la personnalité abâtardie et donc trahie dans un cadre différent et indéfini.
Entre recyclage et photocopie, le cœur des auteurs balance. Il fallait de l'audace pour proposer le concept des deux mangas se complétant l'u net l'autre, il aura fallu du culot pour s'abandonner d'emblée à la déroute comme elles l'ont fait. Rien n'a été consolidé au regard de l'univers et de ses tenants ; le passage d'un univers à l'autre est davantage l'affaire d'une improvisation continuelle que d'une juste continuité pensée et soignée.
Shônen. La catégorie a bon dos alors que CLAMP nous arrose et nous noie dès le départ sous les amours innocents - et surtout gnangnans - de deux adolescents qui n'arrivent pas à se dire «Je t'aime» et qui ne manquent pas de rougir à la moindre allusion faite à leur affection. On sait très vite qu'on va passer un sale moment et le déguster page après page. Je n'ai rien contre les histoires d'amour à moins qu'elles ne soient mal écrites ; on peut donc dire que je hais les histoires d'amour quand CLAMP est à la manœuvre.
Puis, vient l'inénarrable. L'insupportable. La thématique de l'espace-temps n'est pourtant pas à mettre entre toutes les mains... ce sont ici quatre midinettes aux idées courtes qui s'y adonnent avec le lot tragique mais prévisible d'impérities entre autres désinvoltures. Le cadre du manga n'a pas été réfléchi, pourquoi ce qu'il entoure aurait droit à un traitement de faveur ?
Oui, ça cafouille très vite avant de se perdre dans quelques sacs de nœuds inutilement alambiqués pour feindre la complexité à défaut d'y avoir recours. Pandora Hearts se sera approvisionnée chez CLAMP ; que ce fut en amont ou en aval, la source à laquelle les deux œuvres ont puisé était manifestement empoisonnée au cyanure. Cela n'aura pas empêché leurs auteurs respectifs de chercher à nous la faire boire par torrents.
Et comme si faire mumuse avec les univers parallèles ne suffisait pas, on joue inconséquemment avec la trame temporelle avant de se surprendre à changer le passé et le futur accidentellement au détour de quelques péripéties aux enjeux creux et de toute manière sans avenir, toutes trajectoires temporelles confondues. J'ai revécu Pandora Hearts à la lecture. Si on peut appeler ça vivre.
Shaolan devient quelque part son propre père. Pour qui y réfléchit à minima, cela implique fatalement qu'il s'est engendré lui-même avec Sakura qui, incidemment, se trouve aussi être sa mère. Les idylles de Sakura, chasseuse de cartes étaient déjà bien gratinées, mais là... je ne peux simplement pas suivre. Les auteurs de CLAMP ont-elles seulement approfondi la question pour comprendre la nature éminemment incestueuses du paradoxe ? Je n'arrive honnêtement pas à opérer la distinction entre Shaolan et Tsubasa ; on a beau y ajouter de l'intrigue spatio-temporelle, ça n'efface pas les bévues. Même en Alabama les arbres généalogiques sont mieux élagués.
Tsubasa Reservoir Chronicle, l'histoire d'une princesse à sauver des turpitudes indignes d'un méchant avec un monocle qui parle de vouloir dominer l'univers (pour quoi faire ?) en restant néanmoins prudemment en retrait de l'intrigue les trois-quarts du temps à se confondre dans ce qui s'apparente à des commentaires sportifs alors qu'il relève chaque action de Shaolan et compagnie.
Le manga a tout d'un conte à peu de choses près que la narration et le scénario jouent constamment contre lui pour aboutir au final à un bric-à-brac bancal pseudo-romantique dont on ne discerne rien qui vaille la peine qu'on s'attarde dessus. Tout n'est plus que douteusement onirique et un brin baroque où s'amoncelle tout ce qu'il y a d'improbable de manière purement aléatoire. On y retrouve tellement de princesses qu'on se croirait en train de lire One Piece.
Revêtez le tout d'un verni supposément fabuleux et féerique qui ne trompera aucun public un minimum alerte et vous obtiendrez l'énième resucée du fantastique européen travesti par les nippons. Du pur style, de l'esthétisation inconditionnée à laquelle le coup de crayon fait en plus défaut.
Le fond lui est résolument fébrile, parsemé de nunuche sirupeux entre autres clichés aveuglants et typiquement femelle. Il n'y a pas lieu de lire le nom des auteurs pour deviner que des femmes sont à la barre ; le naufrage s'annonce un peu plus clairement un tome après l'autre.
Je pensais aussi glaner quelques informations supplémentaires pour compléter les trous laissés dans xxxHolic ; en vain. Les deux pièces du puzzle CLAMP ne s'emboîtent pas, nous n'y retrouverons que la récurrence de scènes communes aux deux œuvres sans que les explications nous parvenant de l'une à l'autre ne fassent poindre le moindre éclaircissement. L'obscurité nourrit ici les ténèbres et le nébuleux a de beaux jours devant lui. On ne pourra pas en dire autant de ceux qui entament la lecture du manga.
Effectivement, xxxHolic ne peut me paraître qu'infiniment mieux construit par contraste. Je puis au moins admettre ça sous la torture. La torture, c'est ici une lecture de Tsubasa Reservoir Chronicle.
Il y avait dans xxxHolic infiniment moins d'action brutale et stupide - le propre du Shônen contemporain embrassé à pleine bouche par CLAMP - et son lot de pesanteur qui, pour le coup, était vraiment onirique et mystérieux. Assez pour que la comparaison avec Mushishi ne s'opère.
Ici, nous avons droit à la parfaite synthèse du pire du Shônen et du Shojô avec son lot de bastons soporifiques et rébarbatives couplées à de la mignardise rose-bonbon. Une formule deux en un, vomitive en amont, diarrhéique en aval.
Si au moins les auteurs avaient l'excuse de l'originalité dans leur forfait, mais le scénario global formule princesse et grand méchant et les personnages sans ambition ni caractère nous achèvent de penser le contraire. Ça, entre autres ressemblances pour le moins douteuses laissent à penser que le plus minuscule détail que CLAMP a à nous mettre sous le nez est inauthentique.
On n'obtiendra ici que le meilleur en prêchant le pire.
La fin traîne évidemment car, lorsque l'on n'a plus rien à dire - si tant est que l'on ait eu grand chose à raconter en premier lieu - on étire prudemment chaque syllabe en prenant soin de bégayer à l'envie. Pas à l'envie du lecteur cependant.
Watanuki viendra sauver les meubles d'un coup de baguette providentielle et siffler la fin de la récré. Il ne sera plus question seulement d'univers parallèles mais d'un espace entre les dimensions. Oui, il y avait ça aussi. Nous l'apprendrons évidemment trois chapitres avant la fin. L'improvisation n'aura souffert d'aucune pause d'ici à la conclusion de l'œuvre.
Je ne puis comprendre comment l'on peut avoir lu le même manga que moi et ne pas spontanément tremper sa plume dans le vitriol si ce n'est l'acide nitrique pour déclamer ses sentiments ardents - néanmoins hostiles. Quand une œuvre vous fait relativiser ou même regretter Sakura et xxxHolic, c'est que tous les voyants sont au rouge et qu'il serait plus prudent de se ranger sur le bas côté. CLAMP aura poursuivi son chemin sur vingt-huit tomes avec les quatre pneus crevés. La performance est admirable, sa concrétisation bien moins.
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Lettre ouverte à sa majesté l'Empereur du Japon Naruhito
Votre majesté,
C'est un esprit clairvoyant qui, par-delà la mer et les monts qui nous séparent, cherche à vous faire parvenir l'oracle des temps prochains. Des temps obscurs et incertains. Il me faut vous contacter car vous seul pouvez être l'artisan d'une paix auguste qui saurait être signée sans un coup de canon.
Le Japon se meurt et nous entraîne dans sa chute. Je ne vais pas revenir sur les distributeurs de petites culottes usagées, les coussins en forme de personnage d'anime ou les hentais lolicons, mais rien chez vous ne préfigure le meilleur en ce moment. Votre population est démotivée par autant de forces maléfiques qu'il faut pour avilir un peuple aussi grandiose que le vôtre. Ce mal a un nom : «les femmes dans le Shônen».
C'est l'évidence même majesté. Comment ne pas finir apathique après le passage de CLAMP et consorts - et consœurs, même - qui nous sapent le moral par leur indigence éditoriale ? De la subversion sous œstrogènes, voilà sous quels coups de boutoirs on cherche à faire ployer votre nation.
Alors oui ! Je sais ! Y'a toujours Hiromu Arakawa, on en fera une exception, mais à part ça... si le soleil Levant veut rester haut perché dans les cieux, il va falloir prendre des mesures radicales. Plus de femmes dans les Shônens (à part Arakawa) ni dans les Seinen. Sauf pour Kyu Hayashida. Elle, on n'y touche pas. Le reste, dès que ça dépasse du Shojô et du Josei : prison ferme. Non, majesté, je ne suis pas extrémiste ; lisez Tsubasa Reservoir Chronicles et vous vous en convaincrez.
En vous priant majesté blablabla salutations distinguées, tout ça.
Bisou.
Josselin BIGAUT
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le 25 juin 2020
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