Pour les adeptes d'une Chine au pouvoir sur le monde...
« Uchronie(s) » est un des projets les plus ambitieux de la dernière décennie dans le l’univers fantastique du neuvième art. Eric Corbeyran a fait naître trois trilogies se rejoignant dans un dixième opus. La particularité de ces histoires est qu’elles faisaient intervenir les mêmes personnages dans trois réalités parallèles. L’idée était originale et la réalisation s’est montrée à la hauteur de la force scénaristique supposée.
Alors que l’aventure apparaissait conclue avec la sortie en librairie de « Epilogue » il y a presque quatre ans. C’était donc une surprise quand j’ai vu naître une suite il y a un petit peu plus de deux ans. Le célèbre auteur créait trois nouvelles réalités intitulées « New Beijing », « New Moscow » et « New Delhi ». La critique d’aujourd’hui porte sur la conclusion de la première citée.
Le troisième épisode de « New Beijing » est apparu en octobre dernier. Sa couverture était originale car elle présentait deux versions du même protagoniste, chacun étant extrait de son propre monde. Il s’agit de Zack Kosinski, personnage central, de chaque trame quelle que soit leur origine. Comme son nom l’indique, le monde est ici sous domination chinoise. Les dirigeants politiques ont emprisonné Charles et Veronika Kosinski, parents du héros. Ils sont de brillants scientifiques dont la plus belle découverte est la fusion noire. Leur création permet de transition d’une réalité à l’autre. Ce pouvoir donne libre cours à toutes les imaginations.
Comme l’indique son titre, la série exploite pleinement le concept de l’uchronie. Très à la mode actuellement, cette mécanique narrative offre des résultats assez inégaux en termes de résultat. Autant « Block 109 » est une belle réussite à mes yeux, autant « Jour J » est moins enthousiasmant. « New Beijing » est un cru à la qualité correcte. Sans dégager le même enthousiasme que la décalogie originelle, elle présente une intrigue sérieuse et plutôt prenante.
La première réussite de l’album est de créer de manière crédible une Chine régnant sur le monde. Le fait de voir les parents Kosinski prisonniers permet de s’immerger dans les arcanes des dirigeants du Parti. L’ensemble apparaît crédible. Le réalisme facilite notre entrée dans ce monde cousin du notre. Le côté « documentaire » de la lecture est intéressant et fait partie des atouts de la trilogie.
Les enjeux de l’histoire sont clairement établis depuis l’épisode précédent. Nous ne pouvons pas dire qu’ils évoluent énormément dans ce nouvel album. Le déroulement du film conducteur se fait davantage à un train de sénateur car qu’au rythme d’une course effrénée. Je ne renie pas le fait que les événements avancent et que les rapports de force évoluent un petit peu. Malgré tout, je ne peux pas affirmer non plus que nous assistons à un grand chamboulement et à un feu d’artifice de révélation. La trilogie terminée, bon nombre de questions restent en suspens. Les réponses arriveront peut-être dans les réalités parallèles ou dans l’épilogue…
Sur le plan graphique, le travail de d’Aurélien Morinière est correct. Il permet une lecture aisée sans pour autant sublimer les textes. Les personnages sont aisément reconnaissables malgré une densité de casting assez importante. Par contre, que ce soit le découpage ou la mise en scène des cases, rien de révolutionnaire n’est à signaler. Les couleurs de Johann Gorgié est dans cette lignée-là. Le choix semble avoir été fait de privilégier le scénario aux illustrations. Pourquoi pas…
Au bilan, cet album conclut honorablement « New Beijing ». Les trois tomes sont d’une qualité assez constante. J’ai retrouvé avec plaisir des personnages que j’avais appris à apprécier durant les dix tomes précédents. Je pense que cette première nouvelle trilogie à trouver son dénouement offre une suite honorable à la décalogie initiale sans néanmoins en retrouver la magie et l’originalité. Il ne me reste plus qu’à découvrir l’achèvement de « New Moscow » et « New Delhi ». Mais cela est une autre histoire…