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Le général de Gaulle n'a plus de fonctions officielles depuis 1946. En 1958, il a 68 ans et tout le monde semble l'avoir oublié. Cependant, quelques événements apparemment anodins vont démarrer une...
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le 25 sept. 2022
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En revenant sur les circonstances tumultueuses du retour aux plus hautes fonctions de Charles de Gaulle en mai 1958, les auteurs retracent un moment-clé de la vie politique française, dont les effets se font toujours sentir aujourd’hui. Car en effet, cette période, dans le contexte troublé de la guerre d’Algérie, marque la naissance de la Cinquième république, un régime quasi monarchisant où depuis son palais, le Président règne sur ses « sujets » tout en tirant les ficelles, concentrant la totalité de l’exécutif au détriment du gouvernement. Un régime taillé sur mesure pour un général qui, tout auréolé de ses « faits d’armes » durant la seconde guerre mondiale et à la Libération, avait toujours aspiré au commandement suprême. L’homme, populaire, immensément respecté pour sa droiture et plutôt habile, rencontra peu d’obstacles dans son accession à la présidence. Il était le « sauveur », et ceux qui lui cherchaient des poux savaient que le combat était perdu d’avance.
Cette BD, qui est un véritable cours d’Histoire sur une période finalement assez peu connue, est passionnante. Juncker et Boucq nous en livrent ici une lecture originale en utilisant les ressorts de la caricature politique. Si les auteurs se sont autorisés quelques libertés avec la réalité (par exemple, Massu tout essoufflé à force de faire des allers et retours dans le souterrain entre le QG des forces armées de l’Algérie et le gouvernement général), la plupart des événements relatés sont authentiques.
Malgré la multiplicité des protagonistes, Nicolas Juncker a su concevoir une narration qui tient la route. Ces généraux, fanatiques partisans de l’Algérie française (et fondateurs de l’OAS de sinistre mémoire), nous apparaissent ici comme des pieds nickelés à côté de leurs rangers, peu conscients du fait que le vent de l’Histoire avait tourné et que l’heure était à la décolonisation. Ils avaient pourtant réussi à semer la peur en métropole en menaçant de faire main basse sur les institutions de pouvoir de la capitale, une peur disproportionnée aux lumières de ce récit qui fait de leurs élucubrations un théâtre grand-guignolesque. Celui qui en prend le plus pour son grade est sans doute Massu, décrit comme un bourrin qui n’a pas inventé la poudre.
La patte corrosive de François Boucq y est pour beaucoup dans la réussite de cette bande dessinée. Etonnement, c’est la première fois que l’auteur de « Bouche du diable » collabore à un ouvrage politique, et on se demande bien pourquoi. Il laisse ici littéralement éclater son talent, et on imagine aisément que pour lui, De Gaulle, peut-être le plus caricaturé des hommes politiques, était une véritable aubaine. Ainsi, le créateur de Jérôme Moucherot fait ressortir, avec un sens accompli du cocasse, le contraste entre le flegme du bonhomme, attendant patiemment son heure dans son havre paisible de Colombey-les-Deux-Eglises, et l’hystérie des généraux furieux à l’idée d’accorder l’indépendance à l’Algérie. Le tout est assez jubilatoire, et on est parfois interloqué du décalage entre la réalité décrite, plus que lunaire, et le compte-rendu disproportionné des événements dans la presse de l’époque, notamment lors de la rocambolesque « prise » de la préfecture d’Ajaccio qui provoqua un certain émoi en métropole.
En conclusion, ce que les auteurs ont parfaitement su mettre en avant, c’est que le retour du Général de Gaulle au pouvoir n’avait rien de vraiment démocratique. Mais celui-ci s’imposait comme le seul homme providentiel face à la crise algérienne, tandis que la quatrième République était en plein marasme, déboussolée par ce coup de force d’une poignée de nostalgiques du temps des colonies, initiative plus théâtrale que véritablement menaçante. Ce récit aux allures de parodie a pourtant une réelle valeur historique, et dans certains cas comme ici, la réalité frise si bien le ridicule qu’on se pince pour y croire. Il n’en reste pas moins que, comme le rappelle l’historien Tramor Quemeneur en postface, ces putschistes au petit pied n’étaient pas des enfants de chœur, à commencer par Massu, adepte de la torture et des assassinats pour faire régner l’ordre à Alger. Même si cette engeance séditieuse fut dupée par celui qu’ils portèrent aux portes du pouvoir, — il est vrai que De Gaulle, qui n’était pas si naïf, s’est un peu servi d’eux — on peut avancer sans trop exagérer que la Ve République est un peu la conséquence d’un coup d’Etat qui ne veut pas dire son nom et permit à la présidence de se voir accorder les pleins pouvoirs. Pierre Mendès-France, fervent opposant à De Gaulle, ne l’avait-il pas dit lui-même ? : « C’est parce que le Parlement s’est couché qu’il n’y a pas eu de coup d’État ! » Cela nous éclaire sur la manière dont les présidents élus après « le Général » ont été bien souvent gagnés par la folie des grandeurs…
La scène finale, qui montre un De Gaulle « sacrificiel », avec ses interminables bras en croix (de Lorraine), lâcher son célèbre « Je vous ai compris » devant la foule algéroise en délire, est tout à fait savoureuse, d’autant qu’elle fait délibérément lien avec la première image, non moins hilarante. Tout cela fait une vraie réussite d’« Un général, des généraux », compte-rendu à la fois instructif et humoristique d’une période édifiante de l’Histoire de France.
Créée
le 5 nov. 2022
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