Un Monde Sans Superman - La Mort de Superman, tome 1 par Antevre
Si vous demandez à n’importe qui de citer, disons, trois super-héros, vous avez de fortes chances que deux d’entre eux soient Superman et Batman. Ce sont les plus connus, ce sont les premiers à proprement parler, et ce sont les plus riches. Bien entendu, leur carrière a connu des revers de fortune, des baisses de popularité, c’est les aléas de la chose. Aussi, durant les années 90, tous deux ont eu droit à un traitement tout particulier afin de les moderniser, les humaniser : la défaite. Batman contre Bane, et Superman contre Doomsday.
C’est donc un jour normal aux États-Unis, les surhommes patrouillent, tout est peinard, Superman passe une interview à la télé pour expliquer le fonctionnement de la Justice League, tout baigne quoi. Sauf qu’en fait, il s’agit d’un jour horrible. Le jour de l’éveil de Doomsday, un ennemi si puissant qu’il fait passer Lobo pour une fillette, une créature capable de soulever et de projeter des camions avec une main attachée dans le dos. Un monstre qui ne fait qu’une bouchée de la Justice League. Il ne reste plus que Superman pour s’opposer à lui. Après un combat aux dimensions épiques, Doomsday est enfin vaincu, sans qu’on sache ni de quoi il s’agit, ni d’où provient sa malveillance. Mais Superman, lui aussi, a perdu la vie… Comment vivre dans un monde sans Superman ?
C’est donc tout un tas d’arcs scénaristiques qui défilent dans diverses publications DC à l’époque, qui traitent le combat contre Doomsday puis les conséquences de la mort de Superman, des funérailles aux complots en passant par l’émergence de justiciers alternatifs pour endiguer la recrudescence de criminalité consécutive à la mort du héros, ou encore l’arrivée de prétendants au titre de remplaçant de Superman. Il se passe plein de trucs, et c’est là la qualité principale de cet ouvrage. Tout l’univers DC est altéré par la mort du plus iconique de ses habitants, chamboulant la vie de tout le monde. L’ensemble forme un tout assez cohérent et intéressant.
Bon, après c'est pas non plus une révolution scénaristique. Mais c'est pas non plus aussi dégueulasse que ça peut en avoir l'air. Le combat dantesque contre Doomsday, s'il parait grossier et bordélique, du niveau DBZ, c'est pour une bonne raison : Superman ne peut mourir par ruse, ou des mains d'un quelconque grand méchant qui pourra en tirer un profit direct. L'Homme d'Acier doit mourir par la force brute, des mains d'une bête qui tue gratuitement, à la fois pour mettre en relief le sacrifice du héros, mais également pour remettre en question le concept même du personnage : ben oui, on peut toujours trouver plus malin, plus fort que soi. Superman épuise dans ce combat tout ce qu'il est, légitimant sa mort, et obligeant à chercher un avenir pour le personnage ailleurs. Doomsday était pour moi une véritable nécessité. De même, si certains arcs scénaristiques de la mort de Superman peuvent paraitre prévisibles, ils n'en restent pas moins nécessaires. Tout le deuil entourant Superman permet de mettre en relief les personnages secondaires, les attentes, les questionnements, les inquiétudes. Quant au projet Cadmus, il pose des questions sur l'avenir : Superman est-il dépassé ?
C’est également plutôt joli dans l’ensemble. Doomsday constitue une véritable trouvaille en termes de design, le combat contre lui est intense, et les dessinateurs s’en sortent bien. Toute l’histoire est traitée dans un registre épique soutenu avec bonheur par le dessin.
Il est difficile aujourd’hui de se remettre totalement dans le contexte de cet event. Mais même maintenant, il reste puissant et rafraichissant, face à un genre qui a tendance à céder à la facilité. Superman mort, il faut envisager d’autres voies que les affrontements dantesques, travailler dans la subtilité, l’émotion. Á l’époque, j’imagine sans peine que ce fut un véritable électrochoc pour les lecteurs fidèles, contraints de dévorer les périodiques pour savoir si oui ou non leur idole reviendrait à la vie, et qui le remplacerait dans le cas contraire.
Saga très sympa, j’ai vraiment envie de lire la suite.