Je n'ai quasiment rien lu sur Superman, aucun comics véritablement centré sur lui hors elseworld. Mon plus grand reproche envers ce personnage était son apparente invulnérabilité, outre la magie qui ne plaît guère et cette arnaque à la kryptonite qui tombe vite dans le redondant (cf Smallville). Sauf qu'ici Superman périt, pour son dernier combat, face à une force de la nature, face à un monstre de cruauté à l'état brut qui n'usera pour cela d'aucun subterfuge. J'hésitais à acheter l'onéreuse édition d'Urban Comics, le long-métrage Batman v Superman a fini de me convaincre.
Au niveau du graphisme, c'est très années 90, mais il y a malgré tout un certain charme, un kitsch agréable dans la manière de présenter tous ces collants. Le bémol je le mettrai plutôt sur les scènes de combats qui déforment beaucoup trop les visages, dans des expressions carrément moches. En somme, un dessin années 90, donc forcément ça ne vend pas du rêve, mais la bd reste relativement sobre et la pilule passe.
En ce qui concerne l'histoire, il existe une nette coupure dans le ton de l'album. Un bon tiers narre l'ultime duel de l'homme d'acier, tandis que la suite s'intéresse à l'impact de sa mort sur le monde, à l'héritage qu'il y laisse en tant qu'homme et héros.
Le combat contre Doomsday se suit avec passion, y compris pour le néophyte DC comics que je suis, ne reconnaissant pas un seul membre de cette Justice League au rabais. Le parti pris des auteurs de ne rien révéler sur les origines du monstre fonctionne : Doomsday en ressort plus inquiétant, son nom approprié et le destin de Superman apparaît évident. Son évasion d'une prison inconnue montre immédiatement que rien ne pourra l'arrêter, qu'il est la mort en marche. Dès le premier combat il écrase ses adversaires, une séquence qui l'oppose intelligemment à Superman par
substitution, l'interview télévisée de ce dernier se déroulant en parallèle. La marche funèbre et destructrice commence ainsi, Superman s'y joint rapidement, ne pouvant que reculer devant un Doomsday qui monte en puissance. Il libère sa deuxième main, ses protubérances osseuses s'affirment, il gagne ensuite la voix des aires. Le numéro mythique Superman#75 arrive sans qu'on s'en rende compte. Si j'ai particulièrement aimé la manière dont les protagonistes tierces vivent ces derniers instants (Jimmy Olsen, Lois Lane, la foule devant le cadavre...) la fin à proprement parlé du héros ne touche pas plus que ça. On ne comprend pas exactement ce qui tue les deux adversaires, qui un peu comme des boxeurs tombent juste ko simultanément. C'est dommage car la graduation dans les blessures de Superman était jusqu'ici intéressante, avec les protubérances osseuses qui le transperçaient toujours plus. Il manque peut-être une dernière image de double empalement comme un autre média aura su nous l'offrir.
On entre alors dans la seconde partie de l'album. Un monde sans Superman, un monde qui le pleure. D'abord, il y a la phase d'acceptation avec un épisode intense où tous les acteurs présents tentent de le ranimer. Le massage cardiaque n'aboutit pas, la sonde psychique n'indique aucune activité, les pleurs de Lois ne ramènent pas le plus grand des héros. Le monde entier est abasourdi par la nouvelle, chefs d'Etats et super-héros se rassemblent dans un dernier hommage, un cortège digne d'un dieu, auquel le dessin ne sait malheureusement pas apporter la gravité d'un Star Wars 3 (enterrement de Padmé). Après le choc et le deuil, l'héritage se pose en question fondamentale. Le projet Cadmus souhaite recréer Superman à partir de son corps, la foule fait de la tombe un lieu de pèlerinage, le monde doute de Supergirl comme remplaçante, et des héros urbains aux caractères variés font leur appartition pour prendre la succession dans les rues d'une Metropolis orpheline.
Tout cela se montre très intéressant d'autant que l'on suit en parallèle la tristesse énorme de ses proches et intimes, et les répercussions d'un tel événement sur chacun, des héros aux citoyens. Le récit se montre long certes, au moins a-t-il le mérite de prendre son temps, de ne pas se précipiter, de développer les répercussions mineurs comme majeurs. Un personnage comme Lex Luthor avance, progresse dans cette seconde partie par exemple.
L'album finit ensuite sur le cliffhanger des Supermen. Néanmoins je ne suis pas certain de continuer l'aventure. Je voulais lire la mort de Superman, je voulais voir l'affrontement titanesque face à Doomsday, je voulais connaître les conséquences de cette tragédie. Les réponses sont déjà présentes dans le premier tome, le second n'étant après tout qu'une nécessité commerciale de ressusciter un mythe.