Cette BD manque de finesse dans son propos, son « message », mais aussi dans le découpage des cases, la structure visuelle, ainsi que dans le dessin et je dirais même plus, dans son concept.


Pour le message : il se veut écolo (voire réactionnaire ou du moins passéiste ou nostalgique) puisqu’il s’agit de l’histoire d’un couple dont l’homme est un vieux pêcheur sur son petit bateau face aux énormes bateaux de pêche industrielle, et dont la femme fait à manger à son mari, s’occupe du linge de son mari, ne travaille pas en dehors du foyer et principalement attend son homme. Elle porte bigoudène et habit traditionnel en permanence, elle fait pour toute nourriture des crêpes et des galettes exclusivement, et a pour passe-temps la confection de napperons. Si vous ne l’aviez pas compris, elle est bretonne.


Ce message de l'écologie, donc, revient 15 fois et de façon tellement peu subtile : tout d’abord le héros pêche des détritus, puis il est « attaqué » puis emporté par un énorme bateau de pêche industrielle qui tue une bonne partie des poissons les rejetant morts à la mer (il y a plein de sang étalé sur 4 pages, au cas où le message n’aurait pas été assez clair), puis une mouette est empêtrée dans du plastique qu’elle a autour du coup (sur 5 pages), puis le petit bateau de notre vaillant pêcheur est pris dans une marée noire d’un bateau qui dégaze, puis la même mouette est salie par ce mazout, puis le pêcheur est embourbé dans le « continent de plastique », cet immense amas de déchets congloméré qui flotte et dérive sur les océans… Si vous ne l’aviez pas compris, la pollution c’est mal.


Il y a donc ce message trèèèèès appuyé de l’écologie, mais en même temps, il se passe des événements qui semblent assez opposés à ce message. Par exemple, le héros jette sa boîte de sardine à la mer, ce qui est étrange étant donné qu’il est la première victime de la pollution. Bon, la mouette récupère la boîte et lui jette à la figure (au cas où certains avaient oublié de comprendre que la BD nous disait que la pollution c’est mal). Et la femme, qui part à la recherche de son mari, prend un énorme bateau de croisière (le genre de bateau qui pollue plus que tous les déplacements en voiture que tu peux faire pendant toute ta vie) puis revient en jet privé…


Il y a peut-être une petite critique aussi des réseaux sociaux, et/ou de la modernité en général avec les gens bronzés, beaux, qui prennent des selfies et mangent du macdo. A partir de cela, il se passe deux choses :
1) La femme du pêcheur devient célèbre, parce qu'elle fait des napperons (apparemment ça passionne tout à coup les gens, allez savoir pourquoi) sur un bateau de croisière et que tout le monde se prend en selfie avec elle (je trouve ça ni crédible, ni drôle, mais là n’est pas ma critique). Donc ça se veut dénoncer les réseaux sociaux sauf qu'en fait ça la sauve ensuite de la prison et ça lui permet de rentrer chez elle en jet privé, donc finalement c'est positif…
2) La femme lutte contre la malbouffe en… faisant des crêpes à tout le monde. (Et oui, je crois que j’ai oublié de vous dire qu’elle était bretonne.) Ah oui et aussi, quelques pages avant, elle avait appris au grand chef cuisinier du bateau comment cuire un homard (elle est bretonne, la Bretagne c’est au bord de la mer, donc il y a des homards, donc elle sait mieux que n’importe qui comment cuire les homards, c’est logique, il faut suivre un peu !)


Voilà donc pour le fond.
Il y a sinon ce parti pris de ne mettre aucun texte. Enfin, si, une fois : à un moment un personnage écrit sur une ardoise le nom d’un bateau pour se faire comprendre. Donc il est muet en fait ? Celle à qui il parle est sourde ? La BD ne respecte donc même pas la contrainte qu'elle se fixe elle-même, à savoir "pas de texte". (La quatrième de couverture affiche fièrement « garanti sans textes ».)
Je ne comprends pas ce qu'apporte l'absence de texte. En plus il y a des gens qui dialoguent, on a juste pas les bulles avec les mots.


Pour la forme :


Les dessins sont parfois carrément moches. La seule chose appréciable à mon sens est le personnage principal et son petit bateau, qui ont du charme.


Mais, donnons des exemples !


Donc, p. 6, les pictogrammes météo qui sortent de la radio : ils sont faits à l'ordi et c'est moche, ça n'est pas du tout intégré dans le reste du dessin, c'est un autre graphisme, une autre lumière, un autre style de couleurs…


Ensuite, le dessin de la mer est toujours fait à l'ordi, c'est moche.


Le gros bateau en double page (pp. 22-23) est fait à l'ordi, avec cette fumeuse brume par dessus en lignes parfaitement droites… Un dessin parfaitement moche en pleine double page, c’est surprenant.


Les fondus enchaînés p. 52 et p. 88 sont vraiment horribles.
La mouette est un copié-collé de celle de Gaston.
Bref…


Pour ceux qui voudraient vérifier par eux-mêmes la beauté du dessin, regardez la double page 196-197 et vous verrez ces superbes couleurs dans la traîne du bateau, qui ont tout le naturel d’une palette graphique 256 bit, cette écume vivante et expressive faite de subtils clics droits et gauches sur photoshop, et cette mer noire autour aux beaux motifs géométriques.


Ah, j’ai oublié de parler de l’humour !
Voici les blagues : le mec tombe dans sa douche (sur une page entière, soit 9 cases...), un autre mec tombe dans le bateau (le jeune pêcheur), le filet de pêche remonte mais ne contient qu'une vieille chaussures et une boîte de conserve (première fois de ma vie que je vois ce gag !), une mouette a le cou coincé dans du plastique (sur 5 pages…). Il y en a des encore plus drôles, mais je ne veux pas trop spoiler.

yoim
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le 28 sept. 2020

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yoim

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