« Si tu comptes faire fortune en développant des micro-ondes portatifs pour réchauffer les bières l’été, j’été, je te préviens que ça ne va pas marcher.
- Mince… Moi qui voulais construire une usine d’esquimaux à la soupe avec mon premier million…
»


L’une des choses formidables avec Lewis Trondheim, parmi tant d’autres (hormis le fait qu’il soit l’un des meilleurs auteurs français de BD humoristique – mais pas que…), c’est qu’il a une vraie préoccupation pour les formes de narration. Qu’il va sans cesse chercher des moyens de renouveler son Art, de ne se pas se laisser enfermer dans les formules confortables. A peine déplorions-nous ici que le dernier tome des "Nouvelles Aventures de Lapino"t de nous surprenait plus autant, qu’il revient avec "Un Peu d’Amour", le tome 4 où il cherche – et trouve – une nouvelle manière de nous conter ses éternelles histoires de déphasage d’un « honnête homme » (enfin, un honnête lapin…) par rapport à une société qui semble de plus en plus absurde, de plus en plus inhumaine (enfin hostile au lapin…).


« Je ne suis pas sûr d’aimer la société high tech dans laquelle on vit…
- Ah… Il existe une jolie application avec un questionnaire rigolo pour répondre à ça !
»


Car si l’on est étonné en entamant "Un Peu d’Amour" par sa structure en succession de gags en une ligne de 3 à 5 cases, avec chute humoristique au bout de la ligne, on se rend vite compte que derrière cette explosion de saynètes drolatiques, se construit progressivement une histoire aussi complexe qu’à l’habitude : on a d’un côté la rencontre de Lapinot avec un SDF écrivain en herbe, d’un autre le conflit de Lapinot avec une bibliothécaire vaguement hystérique le prenant pour un sympathisant nazi, et autour de tout ça la difficulté croissante de vivre dans notre monde hyper-connecté et pourtant de plus en plus non-sensique. Et bien entendu, l’épreuve permanente que constitue le fait d’avoir un ami comme Richard (qui décide de faire du jogging juste pour pouvoir courir longtemps le jour où surviendra l’invasion des zombies…). Et toutes ces mini-histoires s’entremêlent, et vont construire l’une de ces épopées dérisoires et tellement crédibles dont Trondheim sait aussi bien nous régaler.


« Ce serait bien que tout le monde manifeste autant de joie quand un journaliste révèle un scandale et fait tomber un puissant…
- Non, plutôt quand je réussis à mettre une boulette de papier depuis super loin dans la corbeille.
»


Le résultat de ce vrai challenge que Trondheim s’est fixé en mêlant récit au long court et gags immédiats est très convaincant : on rit beaucoup plus encore, tout en continuant à s’émouvoir devant ces histoires d’amour compliquées, presque « rohmériennes », et même à réfléchir devant ce miroir à peine déformant qu’il nous tend. Sommes-nous donc aussi perdus que Lapinot et ses potes dans la ville, dans la société, dans notre famille, avec nos amis, nos amoureux et amoureuses ? Oui, sans doute, et c’est bien ça qui fait le sel de Un Peu d’Amour…


« On pourrait aller à la campagne ?
- Pff… ça sent le consensus mou, comme pour choisir un film à plusieurs. Et on se retrouve toujours à voir une daube… Mais ici, avec des mouches en plus.
»


[Critique écrite en 2020]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2020/09/01/lewis-trondheim-un-peu-damour-les-gags-de-lapinot/

EricDebarnot
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le 29 août 2020

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Eric BBYoda

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