"J’ai la hantise d’être enfermé à vie dans le même registre". Même s’il est devenu une superstar de la BD grâce à Titeuf, dont chaque nouvel album est tiré à plus d’1 million d’exemplaires, le dessinateur suisse Zep ne veut pas devenir prisonnier d’une routine. Il a donc choisi de s’affranchir momentanément de son célèbre gamin turbulent pour trouver un nouveau souffle. Avec "Une histoire d’hommes", un titre on ne peut plus révélateur, Zep ose se mettre en danger: il change totalement de dessin et de ton pour raconter l’histoire douce-amère de 4 quadragénaires qui se retrouvent pour un week-end près de 20 ans après la dissolution de leur groupe de rock. Avec à la clé la révélation d’un terrible secret enfoui. "A 45 ans, il est temps de montrer d’autres facettes de moi, de raconter des histoires plus adultes et pas nécessairement drôles", explique Zep dans une interview à Télérama. Un changement de cap qui n’a pas été évident, puisqu’il reconnaît lui-même qu’il a dessiné trois fois l’album avant d’être satisfait du résultat final. "Après vingt ans de Titeuf, il a fallu me débarrasser des tics de dessin", reconnait-il. Pour son premier album véritablement adulte, Zep a choisi l’univers du rock, un monde qu’il connaît bien et qu’il affectionne particulièrement. S’il n’était pas devenu une star de la BD, il se serait bien vu en star du rock, comme en témoignent les nombreux groupes dans lesquels il a joué et à qui il dédie cet album (Cop lib, Titi and the Raw Minets, Zep’n'Greg, Bluk Bluk,…). D’ailleurs, même son pseudonyme est un hommage au rock, car si Philippe Chappuis a choisi de devenir Zep, c’est avant tout parce qu’il adorait Led Zeppelin. On sent clairement cet amour du rock dans "Une histoire d’hommes", qui raconte les retrouvailles de Sandro, Yvan, Frank et JB, 18 ans après la séparation abrupte de leur groupe (les "Tricky Fingers") lors d’un séjour à Londres, alors qu’ils étaient à deux doigts de percer véritablement. Au final, seul Sandro est devenu une star du rock, tandis que Frank et JB vivent une vie plutôt rangée et qu’Yvan ne parvient pas à tourner la page et végète dans le souvenir permanent de sa jeunesse évaporée. S’il faut un peu de temps pour s’habituer au nouveau style de dessin de Zep (difficile d’oublier complètement Titeuf) et aux couleurs assez particulières de l’album, ces quatre personnages à la fois différents et complémentaires (auxquels il faut ajouter Annie, l’ex-copine d’Yvan devenue la femme de Sandro, un personnage pour lequel Zep avoue s’être inspiré de Romy Schneider dans "La Piscine") sont suffisamment forts et attachants pour qu’on se laisse facilement emporter par cette histoire de vieux potes qui se retrouvent. Zep a clairement mis beaucoup de lui-même dans cette histoire, et permet ainsi à ses lecteurs, qui ont grandi avec Titeuf, de vieillir en même temps que lui. Une belle réussite pour lui, mais aussi pour la nouvelle maison d’édition Rue de Sèvres, qui signe une entrée fracassante dans le monde de la BD avec cet album-événement.
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