Une histoire d'hommes par belzaran
La sortie d’un album de Zep est toujours un évènement, même lorsque ce n’est pas un nouveau « Titeuf ». Depuis des années, l’auteur a bien réussi a se démarquer de son héros à la mèche blonde avec des livres pour adultes comme « Les filles électriques », « L’enfer des concerts » ou le best-seller « Happy Sex ». J’avoue beaucoup aimer cette partie de l’œuvre de l’auteur. Mais le véritable évènement est que le nouvel album de Zep, intitulé « Une histoire d’hommes » n’est pas destiné (avant tout) à faire rire. C’est une histoire plus sérieuse qui nous est présentée là et avec un style de dessin plus réaliste. Un vrai défi pour le Suisse et c’est peu de dire qu’il était attendu au tournant. Cet ouvrage sert de lancement pour la nouvelle maison d’édition Rue de Sèvres (on a vu pire comme médiatisation !). Ce livre fait une soixantaine de pages et coûte pas moins de 18 euros.
Zep connaît bien le milieu de la musique puisqu’il a lui-même joué dans des groupes. C’est l’histoire des Tricky Fingers. Ce groupe de rock, alors en pleine ascension va exploser en plein vol. La plupart des musiciens feront leur vie loin de la musique, à l’exception de Sandro qui deviendra une star. C’est ce dernier que les autres vont rejoindre, près de vingt ans après, dans sa somptueuse villa. L’occasion de se remémorer des souvenirs et de régler des comptes…
Le titre « Une histoire d’hommes » est parfaitement choisi. Tout est ici question d’hommes (et donc de femmes, forcément !) et de leurs rapports humains. Zep nous construit donc un groupe classique : un batteur rigolo, un chanteur charismatique, un guitariste introverti mais au talent brut et un bassiste discret. Vingt ans après, rien n’a fondamentalement changé et les discussions fonctionnent presque en automatique. C’est clairement le point fort de l’album : des mecs qui ont presque vécu ensemble et qui se vannent à tout va, chacun jouant son rôle. Les tensions et les non-dits sont également présents et l’histoire finit par les dévoiler au fur et à mesure.
Zep construit son ouvrage selon un principe de flashbacks. On suit donc à la fois les musiciens allant retrouver leur pote star que l’ascension du groupe Tricky Fingers. La narration est fluide, même si les surprises apportées par l’histoire laissent un peu indifférent. C’est ce qui manque ici : de l’émotion. Clairement, le but de l’album est d’émouvoir, mais je n’ai pas été touché plus que ça par le destin de ces musiciens. C’est dommage, car l’aspect humain est plutôt réussi. Un petit bilan en demi-teinte en quelque sorte.
Concernant le dessin, le passage en réaliste de Zep est une réussite. Ce n’est pas transcendant, mais il possède la vivacité nécessaire aux passages sur scène, les personnages sont bien identifiés. Là-dessus, on ne peut qu’être satisfait du travail de l’auteur. Je suis plus critique sur le choix de coloriser le tout par monochromie. Chaque scène possède sa couleur. Cela aide la narration mais rend le tout un peu froid.
Je tiens à noter que l’ouvrage est vraiment de belle facture. Le papier est très épais, presque cartonné. Le problème est le prix, franchement excessif pour une bande-dessinée de 60 pages… Visiblement, Rue de Sèvres souhaite entrer dans les librairies avec des « beaux » livres. Mais attention à l’inflation des prix des ouvrages. Pour ma part, j’ai lu le livre en bibliothèque et il y a peu de chance que je l’achète, entre grande partie à cause du prix. Dommage.
Au final, j’ai bien aimé cette « Histoire d’hommes », mais elle m’a laissé un goût un peu amer dans le sens où je sens que l’ambition de l’auteur était tout autre. Cependant, Zep réussit son coup et la prochaine fois qu’il proposera un ouvrage du même type, je le lirai certainement avec plaisir.