Des crimes crapuleux, du trafic de chair humaine et … des infections sexuellement transmissibles.


Une jeunesse qui s’enfuit amorce un virage important dans la série Donjon Potron-Minet. En effet, après deux albums qui présentaient les péripéties d’un jeune héros extrêmement candide, doté de hautes valeurs morales et d’un optimisme à toute épreuve, ce tome montre comment ce héros perd peu à peu ses idéaux et l’innocence de sa jeunesse, confronté qu’il est aux réalités de l’existence adulte. Le ton de cet album est en effet beaucoup plus noir que celui de ses prédécesseurs, qui baignaient dans un romantisme naïf amusant. L’album parle de trafic de chair humaine, de proxénétisme, d’esclavage. Les personnages abandonnent leur confiance en la justice et s’adonnent à la vengeance froide, au meurtre crapuleux, s’abaissent à égorger salement par derrière leurs ennemis. L’Amour, abordé de manière idéalisée dans les deux premiers Donjon Potron-Minet via des déclarations fleurs bleues, des sérénades et des poèmes à l’eau de rose, est ici réduit à des scènes de sexe primaires, des plans culs d’un soir et des maladies sexuellement transmissibles. Un changement de ton qui personnellement me plaît bien, et qui nous fait comprendre comment le naïf et optimiste Hyacinthe de Cavallère va peu à peu devenir le Gardien pingre et blasé qu’il sera à Donjon Zénith.


Le scénario plonge donc la série Donjon Potron-Minet dans une ambiance beaucoup plus sombre, qu’elle ne quittera plus désormais. Niveau background, on découvre l’origine de l’amitié entre Hyacinthe et l’avocat Eustache Ravin (qui viendra plusieurs fois en aide à ce dernier dans plusieurs autres albums de la série), on retrouve les Brous découverts dans La Chemise de la Nuit (DPM-99) (qui sont parmi les monstres les plus drôles de la série), on continue d’assister à la transformation du château des Cavallère en Donjon et on découvre un nouveau lieu d'envergure avec la cité de Nécroville, gigantesque mouroir regroupant tous les malades incurables et autres rebuts de la société. Bref, Trondheim et Sfar distillent tout un tas d’informations cruciales sur l’univers du Donjon qui régaleront les fans.


Mais si Une jeunesse qui s’enfuit est mon album préféré de Donjon Potron-Minet, c’est aussi parce qu’il bénéficie du dessin de Christophe Blain, plus sublime et subtil que jamais. Après deux premiers albums un peu hésitants sur le plan graphique, où l’on sentait que le dessinateur prenait ses marques, Blain affiche dans cet opus une maîtrise du dessin tout à fait exceptionnelle. Son trait est soyeux, fin, très vivant, et a perdu de l’aspect un peu biscornu qui le caractérisait dans les albums précédents (et le rendait moins esthétique). La manière qu’a Blain d’amplifier le moindre mouvement de manière incroyable est tout bonnement stupéfiante. Il en résulte des planches très dynamiques – les scènes d’action notamment dégageant une fougue et une énergie très excitantes. L’ambiance « cape et épée » n’a jamais été aussi bien restituée et la lecture de cet album est un pur régal.

_minot_
10
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le 29 mars 2021

Critique lue 404 fois

6 j'aime

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