Une sœur
7.1
Une sœur

Roman graphique de Bastien Vivès (2017)

"J'pense à Elisabeth Martin..."


" J' pense à Elisabeth Martin
Pas ma mère, pas mon frère, pas ma maîtresse d'école
Celle qui a plongé un matin
Sa bouche et sa langue dans ma bouche à l'automne "



Elisabeth Martin par Tom Poisson


Que garde-t-on de nos années de jeunesse ? Pour certains, une nostalgie bruissante, teintée de souvenirs d'une insouciance bienheureuse, un bonheur vague et fantasmé, impression soleil couchant. Pour d'autres, une lancinante musique aux accords tranchants, plus d'obscurité que de lumière, le sentiment parfois d'être passé, chienne de vie, à côté de quelque chose.


De ce pot pourri d'émotions contradictoires qui doivent autant aux blessures et aux douceurs réelles qu'aux perceptions idéalisées, certains souvenirs surnagent clairement, auréolés d'une lumière aux accents de vérité. L'histoire qui nous est contée est de ceux-là. La vie d'Antoine, héros de cette nouvelle graphique, sera marquée à jamais par la douceur amère de cet été breton lors duquel il rencontra Hélène.



"Jamais de la vie, on ne l'oubliera
La première fille qu'on a pris dans ses bras
La première étrangère à qui l'on a du 'tu'
Mon cœur t'en souviens-tu ? Comme elle nous était chère !"



La première fille par Georges Brassens


Ce qui marque tant dans la bédé de Bastien Vivès, c'est la simplicité avec laquelle il évoque ce souvenir, réel ou imaginé, et la vérité qui en émane. Rien ne sonne faux dans ce récit qui capte avec brio l'innocent instinct de l'adolescence, la maturité étonnante de l'enfant, les ressources inexplicables de la timidité, la désinvolture farouche et rebelle de la femme en devenir, l'érotisme profond, enfin, de la première histoire d'amour.


"Une sœur" parvient le tour de force de se débarrasser de tout jugement subversif pour se concentrer sur une contemplation tout à la fois dérangeante et tendre d'un duo improbable et éphémère. Le coup de crayon effleure la page, saisissant avec adresse les mouvements et les attitudes mais laissant génialement toute mesure au lecteur pour imaginer les traits, regards et expressions des protagonistes. L'ensemble est splendide.


A l'ombre de l'indifférence des adultes, la fleur de la vie et de l'amour s'épanouit radieusement. Restent ces deux chansons, de Tom Poisson et de Georges Brassens, toutes deux très belles, en particulier la première qui m'évoque avec émotion ce qu'est finalement l'amour : une empreinte indélébile dans la vie d'un être, probablement l'une des rares choses qui, comme le sous-entend le chanteur, vaut la peine de vivre.

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le 28 juin 2017

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Fwankifaël

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