Je vois que les suggestions de mangas qui m’ont été faites m’auront conduit à devoir éplucher tout le répertoire de Shin’ichi Ishizuka. À rebours d’ailleurs, alors que j’aurais entamé Blue Giant après Vertical.
Encore un manga sur l’alpinisme. Le troisième porté à ma connaissance après Ascension et Le Sommet des Dieux. La comparaison au premier sera malaisée en ce sens où les styles divergent de beaucoup, mais, alors que les thématiques récurrentes m’amènent à les comparer l’un à l’autre, Taniguchi et Ishizuka ont cette forme de pudeur dans la plume – pas la même – pour relater les péripéties de leur manga. Y’a cette ressemblance-ci sur laquelle je ne ferai pas l’impasse.
On a ici cependant rajouté une corde à l’arc pour s’échapper de l’ascension compétitive ; à savoir la question du sauvetage qui épaissit de beaucoup l’offre ainsi commise. Il y a des drames véritables, tout ne se passe pas bien et le récit, de là, gagne en puissance et en crédibilité. Voilà ce que nous aurions dû lire plus souvent.
Permettez-moi une confidence – de toute façon c’est ma critique, vous êtes donc mes otages – car… bien que ce ne soit pas très productif que d’écrire cela en ces termes… je hais les alpinistes. Pas nécessairement tous, y’en a des biens ; mais tous ces couillons qui vont au Népal verser leur obole à raison de plus de dix-mille euros pour gravir des monts où certains y resteront, pour la seule finalité de dire « J’ai dépassé mes limites, tu vois », ça m’apparaît comme une lubie de petits bourgeois en recherche désespérée de frisson pour exister. Y’a sûrement des alpinistes qui vont se foutre en rogne en lisant ça… mais en tout cas, Vertical me permet de leur répondre que vous autres, qui arpentez les monts pour le Moi, le faites nonobstant le sort de sauveteurs qui risquent leur vie pour s’en aller sauver des casses-couilles d’occidentaux qui ont voulu jouer les caïds. Je donnerais cher pour connaître le fond de la pensée des sauveteurs népalais chargés de devoir essuyer la merde de grands garçons qui ont voulu « dépasser les limites » pour le seul plaisir de nous le faire savoir en revenant. J’aime pas grand-chose, j’aime pas grand monde, ça se sait et ça se sent quand on me lit, mais dans la catégorie des emmerdeurs à tendances sportivistes – et non sportives – les alpinistes sont les deuxièmes pires dans le classement.
Derrière les cyclistes amateurs, cela va sans dire.
Comme j’ai eu l’occasion de l’écrire lors de ma critique de Blue Giant, le style graphique de Urasawa est franchement perceptible. C’est amusant cependant, on retrouve davantage les traits de Naoki Urasawa à sa période antérieure, m’amenant à remarquer que monsieur Ishizuka a fait évoluer son style en continuant, durant des années à l’indexer sur celui dont il s’était inspiré.
On me reprochera d’être formaté par mes précédentes lectures ayant trait à l’alpinisme, mais en dépit des secoureurs venus faire varier le récit, de personnalités plus marquées bien qu’on peinera à les trouver sincèrement passionnantes, j’ai l’impression d’avoir déjà lu tout cela. À mon troisième manga sur l’alpinisme, voilà que je me lasse ; pour un peu c’est presque moi qui ai des courbatures à escalader tous ces mangas qui traitent de la montagne. Aucun ne m’aura suggéré une quelconque passion pour le milieu, et à l’usure, je fatigue de ressasser le même sujet.
Le drame y est certes bien écrit, sans excès d’aucune sorte, sans omission ou maladresse, mais la rédaction est si bien maîtrisée, les personnages si bien moulés pour la scène, qu’on sent le poids du calcul éditorial en amont. Pour une œuvre que d’aucuns aiment à qualifier d’humaine, il lui manque quelques élans de spontanéité véritable à même de lui insuffler un réel dynamisme.
Je regrette de ne pas avoir découvert ce manga avant de lire Ascension et Le Sommet des Dieux, car des trois, s’il y en a un qui mérite la découverte, c’est celui-ci. Navré si je blasphème auprès des oreilles fragiles, mais qu’on m’entende ; c’est mieux que ce que nous aura pondu Saint-Taniguchi en ce sens où ce fut finalement plus divertissant et moins pontifiant. Vertical aura la même note que les deux autres – ce qui nous fait un 6-6-6 ! - mais des trois, c’est son « 6 » qui pèse le plus lourd dans la balance dès lors où il s’agit d’en apprécier la lecture.