J’avais beaucoup apprécié « L’adoption », ce diptyque créé par Zidrou et Arno Monin sur un grand-père qui se découvrait une nouvelle petite-fille péruvienne. Construit en deux tomes très différents, il avait su me séduire et m’émouvoir, porté par le dessin doux de Monin. À ma grande surprise, je suis tombé par hasard sur le deuxième tome d’un deuxième cycle. Nouvelle famille, nouvelle histoire en deux opus. C’est sans hésiter que je suis passé à la caisse. Le premier ouvrage, intitulé « Wajdi », est publié chez Bamboo pour 68 pages.
Changement de famille, changement d’angle d’attaque pour ce nouveau cycle ! Le nouveau couple est un couple de séniors bourgeois ayant deux enfants adultes ou presque (la jeune fille étant au lycée). Les motivations de leur adoption manquent clairement de discernement : il y a l’envie d’aider, une raison humanitaire en quelque sorte, et celle, moins avouée, de remplacer un enfant décédé. Quant à l’enfant, Wadji, c’est un garçon de 10 ans, yéménite, qui a fui la guerre et a perdu sa famille dans les combats.
Le paradigme de départ montre d’emblée les problèmes à venir. Wadji a enduré tant de souffrance qu’il est extrêmement méfiant. Toujours sur la défensive, il refuse que l’on le touche, d’enlever son manteau, etc. Le traitement de ce personnage qui ne parle presque pas et particulièrement réussi. Les auteurs ne font pas la fine bouche sur l’enfant et celui-ci se montre farouche, voire violent. Cela laisse sa nouvelle famille, d’un univers très privilégié, complètement démunie. Le traitement de ces derniers, dans ce premier tome, manque un peu de finesse et on n’est pas très loin de la caricature par moments (on pense à la sœur, complètement hors sol).
Malgré les réserves sur cette nouvelle galerie de personnages, il faut avouer que chacun a sa réaction propre selon ses « attentes ». Comme la couverture le montre, l’histoire se concentre sur la mère et l’enfant, mais la nouvelle sœur de Wadji a toute sa place dans le processus d’acceptation. Et comme pour le premier cycle, ce tome se termine sur un basculement, une cassure qui donne tout son sens au diptyque.
« L’adoption » doit beaucoup au dessin d’Arno Monin. D’abord, son trait est beau et doux, très agréable à regarder. Mais surtout, il apporte par la subtilité de ses expressions et par les cadrages toute la nuance essentielle à un sujet pareil. De plus, la mise en scène est toujours très intelligente, usant des cases muettes, des pages entières sans dialogue qui en disent d’autant plus. C’est vraiment un beau travail en termes de bande-dessinée, où le langage du médium est utilisé au mieux pour les besoins de l’histoire. Il n’y a jamais d’esbroufe : tout sert le propos.
On ne va pas se mentir : ce deuxième cycle démarre un cran en-dessous du premier. Les personnages, primaires ou secondaires, sont moins fins et l’humour est moins présent. Cependant, il aborde une réalité plus dure également et s’intéresse davantage à l’enfant qu’à la famille. En cela, il complète bien la thématique de l’adoption.