Contre toute attente, Là où gisait le corps est moins un comics policier - le fameux crime suggéré par le titre survient au quasi deux-tiers de l'album, et sa résolution apparait finalement très anecdotique - qu'un récit sur les relations humaines. Un ressenti que confirme la postface du scénariste Ed Brubaker.
Si chaque protagoniste de cette affaire dispose donc de son petit jardin secret et présente son lot de comportements suspects, Brubaker et son fidèle illustrateur, Sean Philipps, se servent de cette énigme comme d'un alibi pour décrire la mélancolie et les regrets que les habitants de ce microcosme pavillonnaire dissimulent derrière leurs apparences, dressant ainsi une peinture triste de la vie conjugale.
Bien que très classique par son recours aux tropes du roman noir et du pulp (la femme adultère, le détective, le mari infidèle, la petite fille curieuse), Là où gisait le corps se révèle plus ambitieux dans sa narration, passant sans transition d'un narrateur à un autre, parfois même d'une époque à une autre, sans jamais perdre le fil de son récit à son lecteur qu'il guide par l'usage de différentes polices de caractères. Une écriture parfaitement maîtrisée qui permet également de rendre la lecture plus dynamique.
Comme ses personnages, Là où gisait le corps n'est donc pas ce qu'il prétendait être. Pour le meilleur, finalement.