Mizuho Kusanagi nous l’écrit dans un encart bien déplacé, jeté qu’il est tout au milieu de son premier chapitre, chacun appréciera la faute de goût comme il se doit, pour nous remercier de la lire – ça, elle peut – nous assurant qu’elle a toujours souhaité écrire une histoire fantastique ayant une femme pour protagoniste. N’aurait t-elle pas été plus avisée, celle-là, de vouloir d’abord écrire un scénario, puis, seulement, d’envisager le cadre et les protagonistes ? Si possible, en prenant son temps pour développer le tout. Car vous aurez beau me situer le présent script à Tolkien-sur-Mer, je peux vous dire, et d’un coup d’œil, qu’il aurait eu tout autant sa place dans n’importe quel autre contexte. La fantaisie, en ces pages, s’accepte et se subit pour ses stricte vertus cosmétiques. Bien fades, au demeurant.


Attendez une minute, que je me rétablisse après avoir accusé le coup. Une jeune fille innocente et exubérante avec de grands yeux humides, des éphèbes raphaéliens partout autour, ceux-là ne gravitant qu’autour d’elle… Bon Dieu ! C’est un Shôjo !


Sortez-moi de là !


L’œstrogène frelatée, que vous la jetiez dans quelque denrée que ce soit, ça vous sera aussi dommageable à la dégustation. Alors tout ce fatras de mielleux, même à la sauce Arslan, ça me filera tout autant la chiasse. À moi et à vous autres.


Mauvais esprit du fait que celui-ci soit libre et critique, je peux vous faire un commentaire sur l’œuvre sans même la lire. La demoiselle, elle va avoir des tas des déboires amoureux, on va croire qu’elle aime un tel, puis un tel, sauf qu’en fait c’est compliqué t’comprends, et puis ça va flâner dans tous les sens, ces messieurs se plieront en quatre pour faire sa volonté et, à la fin, elle va épouser celui qui a le plus de blé. Parce que, ça a beau être un conte de fée sans féerie ; ça reste japonais dans les termes.

Je plaisante, je plaisante…. Du fric elle en a déjà, donc elle va épouser son ami d’enfance d’ici à ce qu’elle ne se lasse de lui par caprice. Mais ça, on le verra pas dans un Shôjo… l’histoire sait toujours s’arrêter à temps.


Sauf que Yona, c’est encore mieux que ça. C’est mieux, parce que c’est pire. On va en bouffer des histoires inutilement alambiquées pour que ça soit plus profond. Sauf que la profondeur, dans un Shôjo, ça ne se mime jamais qu’en surface. Alors ça va prendre la pose, multiplier les airs concernés, simuler les enjeux abracadabrantesques, mais jamais ça ne développera un semblant de fond ; rien qui soit consistant pour qu’on s’en délecte ne serait-ce qu’à demi.


Fichtre ! Le cousin assassine l’Empereur/Roi/TrucMachin pour prendre sa place. Oh la surprenance que voilà. Ça me chamboule tout en dedans, je suis émouvé.

C’est d’un prévisible. Qui dit palais, fatalement, suppose l’intrigue de palais. Excepté qu’on parle d’ici d’une intrigue écrite par une imbécile.


Donc, le cousin assassine lui-même le dirigeant au sabre, se laisse voir par Yona, lui raconte tout son plan – qui est d’une débilité caractérisée – et il rafle la mise. Alors… non, un coup d’état, ça ne se passe pas exactement comme ça. Mademoiselle Kusanagi, vous avez une histoire nationale assez dense, que ce soit circonscrite au seul Japon, ou même par-delà la mer vous séparant du continent, pour étudier les INNOMBRABLES passations de pouvoir violentes afin d’en tirer la juste inspiration. On n’usurpe pas un trône avec sa bite et son couteau, il faut avoir quelques soutiens financiers, armés et institutionnels, provenant de l’intérieur et/ou de l’extérieur, ceux-là corrélés à au moins un semblant d’assentiment populaire si l’on souhaite se maintenir en place. Il ne faut pas confondre régicide et coup d’état, car autrement Jacques Clément et François Ravaillac auraient chacun établi leur dynastie en France.


C’est le début – oh bordel, ça n’est que le début – et rien n’a été pensé.


Les dessins ? Permettez que je me dégage de tout commentaire à leur endroit avec dédain et désinvolture. C’est du CLAMP en moins filiforme, avec des designs basiques pour les personnages qu’on croirait sortis de « Comment dessiner des mangas » format junior.


Durant ma lecture – car il faut bien s’occuper l’esprit du fait qu’il n’ait rien d’autre pour le stimuler – je jouais à compter le nombre de chapitres où Yona ne chialait pas comme la dernière des cruches. Je crois que je ne suis jamais parvenu à faire une série de dix. Souscrire à son malheur ? Mais comment le pourrait-on alors qu’on meurt d’envie de lui coller une paire de claque chaque fois qu’elle vient geindre au milieu de son panel de protecteurs ? Elle a littéralement, à ses côtés, le meilleur cavalier et le deuxième plus grand lancier du royaume. Et elle se plaint. Mais elle se plaint comme une femme forte, avec dignité et…


Vingt chapitres dans la musette et il fallait que je me passe la tête sous l’eau glacée à force que mes esprits s’échauffèrent de rage. C’est éprouvant à ce point. Et puis bon sang, je l’ai déjà lu. On tord deux-trois élément d’intrigue – le mot est fort – et on obtient Tsubasa Reservoir Chronicles. Voilà pour la bonne pitance mes bons enfants. Oubliez pas vos concoctions émétiques, ça pourrait vous être fatal autrement.


Comme si avoir subi un coup d’état suffisait pas, fallait aussi nous ensevelir sous les intrigues secondaires. On passe son temps à se détourner du sentier le plus court rien que pour le plaisir de prolonger une histoire qui ne sait pas s’écrire. La fantaisie dans le récit ? Bah ça se passe dans un contexte plus ou moins médiéval fictif et… ce sera tout. Mais au moins, ça donne l’occasion à l’auteur de dessiner tout plein de vêtements trop mignons tihihihihihihihihihihi. Cela, sans jamais qu’un concept original ou intéressant ne soit jamais cousu où que ce soit.

Mais figurez-vous qu’elle se gênera pas, toujours au beau milieu d’un chapitre, pour nous faire ses remarques de mode. « J’ai changé la couleur de la robe de Jaheha et blablablabla ». Imaginez que Victor Hugo commente ses textes comme ça, au détour d’un paragraphe. « Ouais, alors, Esmeralda, toute gitane qu’elle est… elle est bonne, on va pas se mentir, et donc, ça justifie que tout le monde cherche à la troncher, vous pigez ? ». Qui, fait ça ? Elle nous balance même des encarts avec son adresse pour lui envoyer son courrier. À San Francisco qu’elle vit, la carne. M’étonne pas, on n’y trouve que de vilaines gens par là-bas.


Attendez, attendez… Y’a peut-être pas de fantaisie, cela dit... ça parle de dragons. Mal, mais ça en parle quand même. Voici qu’arrive le Dragon Bleu, et puis après, vient une histoire de quatre chevaliers dragon au service de la princesse qui est la réincarnation d’une divinité pourpre. C’est-y pas beau tout ça, dites-y voir ?

Non mais, mademoiselle Kusanagi, vous pouvez nous le dire si vous n’avez rien à écrire. Ça vous évitera d’avoir à nous farcir la gueule avec du Saint Seiya au rabais. Tout le monde y gagnerait si vous admettiez ce seul aveu. Non ?

Tant pis.


Y’aura fallu que je cherche l’antériorité putative de Yona sur une œuvre dont je lui suppute d’avoir plagié le décorum. C’est dire si je me donne du mal pour rien, car je savais qu’aucun bénéfice du doute ne lui serait versé en acompte. Le royaume de Kohka – non, je n’ai pas mal orthographié la première voyelle – est partagé en plusieurs tribus. « Y’a pas de mal à ça » me diront ceux qui n’ont pas vu venir la douille. Alors, mes bons enfants, figurez-vous que ces tribus sont, la tribu du feu, de l’air, de l’eau, de la terre et… du ciel. Parce qu’il fallait bien innover pour qu’on ne voit pas le pillage perpétré sur la carcasse d’Avatar.

Je sais que les femmes sont capables d’imagination, même qu’elles peuvent être prodigieuses dès lors où elles s’essaient à un contexte fantastique, alors ma chère Mizuho – excuse la familiarité, mais tu m’enjoins pas au respect ou à la révérence – va falloir arrêter le massacre. Je le demande avec d’autant plus de sanglots dans la voix que c’est moi qui en fais les frais. Moi, et tous ces cons de lecteurs qui s’infligent ça. Délibérément, en ce qui les concerne.


Voilà qu’elle s’essaye maintenant aux batailles rangées, maintenant. Elle arrive même pas au bout de son entrée qu’elle croit pouvoir faire honneur au plat de résistance. Naturellement, va pas falloir s’attendre à du Kingdom en dépit du contexte de Chine antique dans lequel on nous laisse macérer depuis tout ce temps.

Tout le monde y sera d’ailleurs toujours très beau sur le champ de bataille. C’est connu, les théâtres de guerre sont parsemés de mannequins aux traits angéliques. C’est pas parce qu’on s’écharpe la gueule avec des armes blanches qu’on ne peut pas être glamour et sophistiqué. Le massacre en commun se considère ici jusqu’à ce que quelqu’un se casse un ongle.


Il aura fallu une fois de plus que je fouille dans les dates pour me faire une idée de l’amplitude du plagiat et, effectivement, il semblerait que cette brave Mizuho ait joué à Final Fantasy X avant de s’essayer à son écriture. Vous savez, ce jeu où Yuna – rien à voir avec Yona, protagoniste de l’œuvre présente – doit se marier à un méchant au nom de la paix, mais qu’elle est secourue par ses amis ? Y’aura, disons, comme quelques ressemblances scripturales au cours de l’œuvre.

Non seulement c’est mauvais, mais l’œuvre ne repose même pas sur les idées propres – façon de parler – de son auteur.


Sauf que, Shôjo oblige, notre bonne Yona ; pardon, notre conne de Yona, tombera amoureuse de Su-Won, celui-là même qui a assassiné son père. Ça la pose bien comme un personnage fort avec des principes.

Les vertus du syndromes du Stockholm – avec paillettes, s’il vous plaît – vous les aurez sur de pleines pages durant des volumes entiers.


Et si Su-Won venait à clamser, on confierait les armées à Yona, son épouse nous dit-on. C’est vrai que ça se faisait souvent dans les institutions de pouvoir en Asie extrême orientale. On aimait bien laisser les reines, impératrice et princesses, commander des hommes d’arme et peser conséquemment sur le plan politique.

Je crois que c’est en ce sens que L’Aube de Yona est une œuvre fantastique ; car jamais ce genre de sociétés n’auraient accordé autant de pouvoir à une femme sans que des têtes de contestataires ne soient massivement tranchées à titre préalable. D’autant qu’on ne parle pas d’une reine d’airain, mais de Princesse Nunuche, première du nom, impératrice des sanglots, incarnation même de la chouinerie torrentielle. Oui, on va lui confier les rênes du pouvoir à celle-là, personne ne trouvera trop à y redire. Oh, eh puis tiens, on va même la laisser aller sur le champ de bataille.

Vous prierez pour une flèche perdue chaque fois que vous l’y apercevrez.


La politique et la guerre doivent être des théâtres bien roses en enjoués quand les femmes portent un regard dessus. Que de légèreté dans les approches de sujets supposément graves. Un Shôjo, quoi ; un monde où tout, sans le vouloir, est transformé par son auteur en une parodie rose bonbon de quelque réalité ou fiction que ce soit.


Oh oui, et personne ne meurt au fait. Une blessure mortelle ? Une entité mystique viendra vous dire que votre œuvre n’est pas encore venue, et pis basta ! C’est pas parce que c’est la guerre qu’il faut mourir. Ce serait désobligeant, comprenez-vous.


M’en voudrez pas si je n’attends pas après la parution pour connaître la fin ? Su-Won connaîtra une conclusion tragique mais héroïque et glorieuse, on le regrettera beaucoup et sa connasse de service reprendra le flambeau avec un harem de guerriers pour la consoler de son veuvage. Mais vu qu’elle aura un sourire innocent, on devra chasser toutes ces considérations libidineuses de notre esprit, car jamais une femme de pouvoir ne manquerait de vertu, enfin.

Les draps de la tour de Nesle en témoignent.


Allez, on dira que c’était moins chiant que le Shôjo moyen en ce sens où ça essaye au moins d’élaborer une trame et un contexte. Vainement et approximativement, c’est entendu… mais bon.


« Mais bon », ponctué d’un soupir dépité ; je crois que c’est là la seule conclusion envisageable afin de statuer précisément sur ce qu’il vient de me passer sous les yeux. J’invite parfois mes abonnés à se manifester lorsque ceux-ci m’ont recommandé un manga à lire et que je me suis sorti satisfait de mon expérience. Je suggère cependant au… plaisantin, qui m’a mis ça sous les yeux, de se faire très petit. Très, petit. Suffisamment en tout cas pour tutoyer les atomes.

Josselin-B
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le 29 nov. 2024

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Josselin Bigaut

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