J'ai lu les deux premiers tomes de Zoo il y a plusieurs années déjà, à une époque où je découvrais la Bande dessinée. Depuis, il persistait dans un coin de ma mémoire le souvenir d'une fascination visuelle et d'un choc émotionnel intense. À la faveur de la sortie d'un tome 3 que l'on espérait plus, j'ai parcouru la série dans son intégralité et je constate amèrement que la magie ne fonctionne plus tout à fait. Le piédestal sur lequel je l'avais inconsciemment placée ainsi que la trop longue attente d'une suite pendant laquelle j'ai pu goûter à de multiples autres oeuvres fortes, ont créé de nouveaux appétits que cette relecture n'a jamais satisfaits. À présent, l'ensemble m'apparaît malheureusement plus fade. Cependant, je ne peux pas contester ses qualités évidentes ni renier les quelques plaisirs que j'ai ressentis.
Le graphisme est d'un esthétisme absolu. Le trait est fin, précis. D'une extrême délicatesse, il parvient tout aussi bien à restituer la beauté naturelle du vivant que la complexité et la majesté des architectures. Sublimé par une palette de couleurs directes totalement maîtrisée qui alterne magistralement les lumières et les ombres, c'est tout un univers en soi qui nous submerge littéralement.
Les personnages sont attachants, vraiment touchants. Célestin, médecin passionné dont on sent immédiatement toute l'humanité et la bienveillance. Buggy, l'écorché vif, artiste de génie qui parvient à transmettre dans ses sculptures une sensualité et une sensibilité à fleur de peau. Anna, la défigurée. Une laideur physique relative qui se transforme en charme au fur et à mesure des albums, en même temps que l'on entrevoit sa grandeur d'âme. Et Manon enfin pour qui j'ai plus de réserve. Je la trouve plus agaçante qu'attendrissante dans sa naïveté de grande enfant. Et son comportement souvent instinctif, presque animal, me perturbe et, par moments, m'irrite.
Malgré le contexte de guerre, et les fissures de protagonistes que la vie n'a pas épargnés, les relations qu'entretient ce petit groupe, à l'abri de cette bulle hors de l'espace et du temps qu'incarne le zoo, scellent une harmonie qui transpire les bons sentiments. Une atmosphère tirant sur le sirupeux, peut-être imputable au rythme et à la progression lente d'une narration par trop contemplative. D'aucuns y apprécieront la possibilité de mieux s'approprier l'histoire, d'apprivoiser le contexte et ses personnages. À mon goût, en tirant un peu trop sur la corde du temps, les vrais moments d'émotions se retrouvent sur le fil du rasoir, manquant de tomber à tout instant dans un pathos ou une mièvrerie rédhibitoires.
Subjugué par le dessin, bouleversé plusieurs fois par le récit, il me manque malgré tout un je ne sais quoi. Une pincée d'épices et un soupçon de subtilité supplémentaire pour m'afficher pleinement séduit par une œuvre généreuse qui s'inscrit à part dans le paysage du 9e art.