La dernière aventure du plus célèbre des agents secrets britanniques avait tout balayé sur son passage, s’agissant du box-office (plus de 1,1 milliard de recettes) et de la critique presse comme spectateur (pour ma part, Skyfall ne m’avait que partiellement emballé). Quoi de plus normal qu’une bonne partie de l’équipe revienne devant et derrière la caméra ?
En plus de retrouver le réalisateur (Sam Mendes), les scénaristes (John Logan, Neal Purvis, Robert Wade), le compositeur (Thomas Newman) et une bonne partie du casting de Skyfall, Spectre comporte tous les ingrédients d’un James Bond : des scènes d’action, un tour du monde (espaces enneigés, désertiques, urbains, etc.), des femmes fatales et sexy, une scène de torture, un méchant charismatique, etc. Bref, tout est là. Mais pour autant, la sauce ne prend pas.
La faute à plusieurs aspects à commencer par un traitement qui a le cul entre deux chaises. Casino Royale marquait une rupture de ton avec un héros presque bodybuildé, véritable machine à tuer mais étant paradoxalement plus humain et plus faillible, trop sérieux pour certains et le tout, sans gadget. Le personnage se rapprochait donc plus d’un Jason Bourne que du 007 qu’on avait connu jusque-là. La conclusion de Skyfall laissait quant à elle entrevoir un retour aux sources qui se confirme dans Spectre.
Le film se perd donc entre l’envie de faire un James Bond à l’ancienne tout en essayant de garder l’ADN des 3 opus précédents.
Le film se perd donc entre l’envie de faire un James Bond à l’ancienne tout en essayant de garder l’ADN des 3 opus précédents, ce qui donne un cocktail moins réussi qu’un Vodka Martini.
L’humour pose parfois problème
Par exemple, l’humour pose parfois problème. On sent que les auteurs ont voulu retrouver la fraicheur et la légèreté des anciens films. Mais Spectre est par moments à deux doigts de verser dans le pastiche. Que ce soit le « merde » lâché par un personnage avant de mourir, le fait que 007 atterrisse sur un canapé lors d’une chute qui aurait pu se révéler mortelle, qu’il se présente comme étant Mickey Mouse, qu’il braque son pistolet sur une souris en lui demandant qui est son employeur, qu’il pilote un avion sans ailes (c’était alors une simple blague dans Indiana Jones et la Dernière Croisade), qu’il explose totalement une chambre d’hôtel sans en être inquiété alors qu’il est sensé jouer profil bas, la manière dont il aligne les ennemis lors de l’évasion du complexe astronomique (ils tombent tous comme des mouches très disciplinées) ou encore lors de la poursuite sur la Tamise où James abat un hélicoptère (qui reste sagement aux côtés du bateau histoire d’être certain de se faire descendre) en vidant son chargeur balle par balle, toutes ces scènes sonnent faux.
L’interprétation de Daniel Craig était jusque-là plutôt pince-sans-rire en allant jusqu’à se moquer des codes des opus précédents (cf. scène de la Vodka-Martini dans Casino Royale) et non limite parodique. Je comprends qu’il veuille faire de l’esprit dans Spectre mais ce ton parfois trop léger ne colle pas.
Le retour d’un ennemi « physique » à la carrure imposante et qui va donner du fil à retordre à Bond.
Mais ce n’est pas le seul point indiquant un retour aux sources. Cette 24ème aventure marque la réapparition d’un ennemi « physique » à la carrure imposante et qui va donner du fil à retordre à Bond. Je trouvais étonnant d’avoir choisi un acteur à la musculature aussi développée que Daniel Craig et de ne jamais l’avoir confronté à des adversaires coriaces. Erreur ici réparée avec l’apparition d’Hinx, interprété par le catcheur Dave Bautista qui s’était fait remarquer en Drax Le Destructeur dans Les Gardiens de la Galaxie l’année dernière. Il est plus ou moins l’équivalent moderne de Requin, qui travaillait pour Drax (Hugo, pas le Destructeur) dans Moonraker. Pour le coup, j’ai trouvé ce personnage plutôt réussi et sa confrontation avec l’agent secret dans le train (qui se vide totalement dès que le combat commence, c’est pratique) est assez prenante !
Tout James Bond qui se respecte se doit d’avoir un générique marquant. Je l’ai trouvé ici assez bien emballé, même si Sam Smith n’arrive pas à la hauteur d’Adèle et Chris Cornell. Les pieuvres entourant les corps des femmes donnent toutefois un aspect Hentai assez douteux...
Autre aspect douteux : le côté CGI de l’appareil de torture utilisé sur Bond. Cette machine fait d’autant plus factice
qu’elle est sensée lui triturer le cerveau en lui faisant perdre l’ouïe puis la mémoire des visages. Mais sans raison, sans explication, ça ne fonctionne pas sur lui. Et personne ne s’en étonne.
. Mais apparemment non… Dommage, d’autant que les scènes où l’agent se fait malmené font appel à des méthodes plus simples et efficaces tout en donnant parfois lieu à des échanges savoureux comme celle de Casino Royale. Même la chaise de torture du monde ne suffit pas avec étranglement, douleur aux cervicales et pire, Sophie Marceau intégrée, était plus intéressante.
La première partie du film dans laquelle James traque la mystérieuse organisation est prenante.
La première partie du film dans laquelle James traque la mystérieuse organisation est prenante. J’ai juste trouvé étonnant que
M assigne à titre posthume la mission de débusquer l’organisation criminelle la plus puissante du monde. Si elle était morte plusieurs années plus tard SPECTRE aurait donc poursuivi ses méfaits tranquillement… D’autant qu’on découvrira que ce groupement plane sur le héros depuis bien longtemps…
Cette volonté de créer du lien avec les aventures de 007 de l’ère Daniel Craig précédents est aussi forcée qu’inutile.
Mais cette volonté de créer du lien avec les aventures de 007 de l’ère Daniel Craig précédents est aussi forcée qu’inutile. Une envie de surfer sur la vague des sagas dont les films s’imbriquent les uns dans les autres et se font échos ? Quoi qu’il en soit, apprendre que l’organisation était derrière tout ça n’apporte aucune dimension supplémentaire à Casino Royale, Quantum of Solace et Skyfall. D’autant que les motivations de Blofeld sont minables
(« Si je me casse le cul depuis des années rendre ta vie infernale en tuant l’amour de ta vie, puis en supprimant toutes les femmes que tu as ensuite côtoyées et en t’envoyant les pires ordures aux trousses pour te pourrir l’existence, c’est parce que tu faisais un peu trop de ski avec mon papa. » Sérieusement?).
Pour les enjeux, on repassera. Après tout, le titre aurait dû me mettre sur la piste : un spectre manque de consistance.
Rien de mémorable du côté de l’action.
La saga des James Bond a souvent été synonyme de cascades novatrices et impressionnantes. Mais elle s’est toutefois récemment fait distancer par les derniers volets de Mission : Impossible, Mission : Impossible - Protocole Fantôme et Mission : Impossible - Rogue Nation, qui sont nettement plus réussis que Quantum of Solace et Skyfall. Et ce n’est pas Spectre qui va remonter le niveau.
La scène d’introduction comporte des voltiges en hélicoptère sans suspense, plus lourdingues qu’autre chose. Les incrustations numériques des visages des acteurs n'aidant pas à l'implication du spectateur. La poursuite dans Rome est à l’image de la ligne des véhicules : plate. La déflagration du complexe astronomique est vaine et malgré le record qu’elle a explosé (la plus grosse jamais créée pour un film), je l’ai regardé aussi nonchalamment que les deux personnages. Rien de mémorable donc du côté de l’action qui n'offre rien de très spect(r)aculaire.
J’évoquais la saga Mission : Impossible et on sent que l’agent du MI 6 veut se rapprocher du scénario de MI 5, à savoir un espion dont l’agence est démantelée et qui doit faire cavalier seul pour mener sa mission à bien avec un acte final londonien. La présence de Léa Seydoux (qui était dans le 4ème volet des aventures d’Ethan Hunt) renforçant la confusion.
Cette dernière campe ici Madeleine Swann, une frenchie qui fait chavirer le cœur de l’agent de sa Majesté. Le prénom de son personnage revoit sûrement au fait qu’elle lui rappelle au bon souvenir de Vesper Lynd... (Puis pour Swann, on va dire que c’est un parallèle avec un autre volatile : le coq de l’entreprise de son grand-père.) Malheureusement pour Léa, c’est dur de passer après la mémorable Eva Green, qui restera surement LA James Bond girl de référence. Madeleine Swann reste un personnage féminin au-dessus de la moyenne qui s’en sort avec les honneurs. Par contre, on était obligé de se taper la love story en carton où la fille rejette totalement Bond pour tomber dans ses bras en étant follement amoureuse 2 jours plus tard ? Et ce plan final où ils partent main dans la main, c’était obligé ? Non mais on est où là ?! Dans un James Bond ou une comédie romantique à deux balles ? Bref, c’est tout pour Seydoux.
Christophe Waltz mène la danse du côté des méchants. Toujours aussi convainquant, l’acteur n’apparait malheureusement que trop peu. De là à dire qu’il est fantomatique, il n’y a qu’un pas.
Ben Whishaw a une bonne tête de Q et sa réinterprétation jeune et moderne de ce personnage est toujours réussie. Dommage toutefois qu’il reste réduit à un ingénieur informaticien qui passe son temps à pirater tout ce qui bouge plutôt qu’à créer des gadgets. Et cette scène de faux-suspense où il est pris en filature dans la cabine de téléphérique est totalement ratée. Elle sort un peu de nulle part et n’aboutit à rien.
Ralph Fiennes est un M d’action et de terrain. Ce n’est plus cet anglais qui reste patiemment assis derrière son bureau.
Avoir un personnage féminin fort est devenu monnaie courant et c’est ici Moneypenny qui, en plus de Madeleine Swann, sera une fidèle alliée de Bond.
Mais le film comporte aussi un personnage féminin bien moins intéressant. Non, un personnage juste totalement inutile en fait. Interprétée par Monica Bellucci, la belle Lucia Sciarra est une MILF (Monica Incroyablement Lymphatique et Futile) de service aussi oubliable que dispensable. Un personnage dont l’écriture se vautre dangereusement.
Du côté de la technique, la disparition du Directeur de la Photographie Roger Deakins est à déplorer.
Du côté de la technique, la disparition de Roger Deakins est à déplorer. Difficile de passer après le plus réussis des James Bond du point de vue de la photographie mais Spectre est clairement fade de ce point de vue-là et peine à créer des plans qui imprègnent la rétine.
Thomas Newman signe de nouveau la bande-originale. Elle s’inscrit dans la ligné de Skyfall. Les pistes qui m’ont marqué sont Los Muertos Vivos Estan qui accompagne bien l’impressionnant plan-séquence d’ouverture et le côté tribal de la fête des morts mexicaine ou encore Backfire qui tente un peu péniblement de rendre épique la course-poursuite dans Rome entre Hinx et Bond.
De toutes la liste des James Bond avec Daniel Craig (en anglais, Craig’s list), Spectre se situe juste au-dessus de Quantum of Solace mais derrière Skyfall et l’indétrônable Casino Royale.
Son traitement qui conjugue maladroitement les anciennes aventures de 007 aux plus récentes, ses scènes d’actions peu mémorables et son scénario un peu vain sont tout juste rattrapés par son casting solide, sa première partie réussie et l'ensemble un minimum prenant.
http://marvelll.fr/critique-epicee-007-spectre/