- Alors James qu'est-ce qui se passe ? On dit que vous êtes finis.
- Vous en dites quoi vous ?
- J'en dit que vous n'en êtes qu'à vos débuts.
Après avoir réalisé Skyfall, Sam Mendes est de retour derrière la caméra pour mettre en boîte une nouvelle aventure autour de l'espion anglais James Bond. Avec une réussite qu'il lui est propre, le cinéaste propose une mise en scène redoutable faisant preuve de style, d'élégance et de sensations graphiques. Un don visuel indéniable imprégné d'un dramatisme avéré qui malheureusement se loupe autour du suspense, du rythme et surtout avec la construction de son histoire. Spectre souffre de problèmes majeurs avec un scénario confus qui essaye maladroitement et avec grossièreté à travers des dialogues tristes de connecter ce film aux autres opus. Les éléments du thriller manquent de suspense et de teneur, en raison d'un récit instable qui dilue très mal son rythme en faisant traîner inutilement son récit. Le long-métrage en devient beaucoup trop long et aurait pu s'amputer d'une bonne demi-heure.
S'il y a bien une chose que ne cesse constamment de marteler Spectre c'est qu'il est directement lié à tous les autres opus de la franchise composée de Casino Royale, Quantum of Solace et Skyfall. Entre un générique d'ouverture qui nous balance les visages des anciens ennemis de Bond ainsi que celui de la malheureuse Vesper (Éva Green); un antagoniste principal qui ne s'arrête jamais de répéter qu'il était depuis le début derrière les malheurs de James; une séquence finale qui nous balance des photos scotchées sur un mur de chaque ancien antagoniste principal; ou encore l'ancien M (Judi Dench) qui dans Skyfall a apparemment trouvé le temps (on se demande comment) de laisser une vidéo testamentaire à James dans laquelle elle lui dit de poursuivre et de tuer une certaine personne si elle devait mourir; il devient très clair (à moins d'être très stupide) que ce film veut créer un lien avec tous les autres autour de l'organisation Spectre. Seulement, c'est un véritable loupé dû à un manque de finesse assez affligeant. Ce genre de procéder doit se préparer intelligemment, comme par exemple avec l'intervention du MI5 incarné par Denbigh (Andrew Scott) qui veut réduire à néant les agents 00 en réponse de ce qui c'est passé durant Skyfall avec le jugement de M et du rôle du MI6.
Les séquences d'action sont pour "certaines" excellentes, entre une poursuite en voiture dans les ruelles de Rome, une descente explosive dans les Alpes autrichiennes, jusqu'à un affrontement brutal dans un train, on est plutôt bien servi. La séquence d'ouverture située à Mexico durant la fête des morts est autant épique que magnifique (la meilleure séquence post-crédit d'un James Bond sous l'ère Craig). Spectre s'ouvre sur un superbe plan-séquence dans lequel on en prend plein les mirettes tant on est captivé par la qualité de l'action ainsi que par la mise en scène. Un premier plan incroyable qui laissait présager du très bon pour la suite, sauf que... Après nous avoir présenté avec Skyfall un final qui tenait enfin toutes ses promesses (le meilleur de la saga Craig), je n'arrive pas à comprendre comment Sam Mendes a pu faire un final aussi ridicule avec Spectre (le pire de la saga Craig). Une conclusion anticlimatique molasse et d'une simplicité abusive qui se termine sans trop de tension avec un point culminant qui ne se produit jamais. Je me demande comment Sam Mendes a pu louper à ce point le face à face ultime entre 007 et son ennemi juré : "Franz Oberhauser" alias "Stavro Blofeld".
Le générique d'ouverture sous la chanson "Writing's on the Wall" de Sam Smith est magnifique, accompagné d'une séquence superbement onirique et obscure. Certainement l'un des meilleurs génériques pour un James Bond. La musique de Thomas Newman fonctionne à merveille en servant intelligemment le récit tout en galvanisant les différentes séquences.
Vous êtes un cerf-volant dansant dans un ouragan, Mr Bond.
Daniel Craig est une fois de plus charismatique en tant que James Bond, gérant avec crédibilité les instants explosifs et dramatiques. Une performance solide qui toutefois me laisse dubitatif quant au dérouler des missions de celui-ci. Pour rappel, Quantum of Solace faisait directement suite à Casino Royale, tout comme Spectre qui fait directement suite à Skyfall, du coup on m'explique comment cela se fait que Bond paraisse si vieux depuis Casino Royale.
Ben Whishaw en tant que Q apporte une fois encore une fraîcheur au personnage qui me plaît beaucoup, sachant qu'ici son aspect concepteur d'armes est enfin mis à profit puisqu'on peut trouver quelques gadgets comme avec la montre explosive, ou encore une nouvelle Aston Martin DB10 qui possède quelques attribuent amusants. Ralph Fiennes en tant que nouveau M sans sort parfaitement, il participe à l'action.
S'il y a un élément avec lequel la saga made in Craig a des difficultés c'est bien avec les rôles féminins charismatiques. Si depuis Casino Royale la part dramatique au féminin est superbement représenté, il faut reconnaître que d'un point de vue action les femmes ne sont pas très bien mis en valeur : même si j'y ai cru l'espace d'un instant durant Skyfall avec la nouvelle Moneypenny par Naomie Harris que j'apprécie beaucoup même pour Spectre mais qui finalement sera un bien mauvais agent. Monica Bellucci pour le très peu de temps qu'elle apparaît parvient à être émouvante et énigmatique. Un petit rôle pas vraiment à la hauteur de la comédienne. Léa Seydoux sous les traits de Madeleine est une Bond girl qui incarne magnifiquement la classe à la française. Une femme forte de caractère et fragile à la fois qui fait également lien avec les autres films grace à son père qui n'est autre que Mr White (Jesper Christensen) que l'on retrouve une fois encore après ses apparitions dans Casino Royale et Quantum of Solace. Léa Seydoux est tout du long crédible sachant quelle sauve deux fois 007, seulement, la romance entre elle et Bond galère à fonctionner à cause d'une alchimie qui a du mal à prendre entre les deux comédiens. C'est dommage.
Niveau danger, Bond a fort à faire entre une menace physique incarnée par Dave Bautista et une menace psychologique/idéologique incarné par Christoph Waltz. Dave Bautista en tant que Mr Hinx incarne un gros bras qui n'use que de peu de paroles pour laisser avant tout exprimer une force brutale et écrasante. Il offre un affrontement contre Bond qui fait du bien puisqu'enfin 007 trouve une menace physique à la hauteur de ses talents combatifs.
Christoph Waltz incarne le fameux Blofeld, grand méchant connu de l'univers Bondien à la tête de l'organisation criminelle suprême "Spectre". Un énorme comédien à la présence menaçante qui apporte un contraste sinistre et lugubre en incarnant formidablement ce monument du mal. La première apparition de Blofeld lors de la réunion secrète est royalement réalisée, permettant au comédien en une séquence de dégager une aura diaboliquement inquiétante. Un excellent choix de casting parfaitement réfléchi car il en fallait pas moins pour passer derrière l'écrasante performance de Javier Bardem en tant que Silva. Pourtant, pourtant, pourtant, pourtant, Sam Mendes va se planter royalement avec ce personnage en ne parvenant jamais à le rendre suffisamment crédible avec le récit à cause d'une écriture autour de celui-ci d'une facilité et simplicité déconcertante. Blofeld et le fils de celui qui adopta à une époque James Bond lorsqu'il fut orphelin après Skyfall, devenant par là-même le demi-frère de Blofeld. Une idée intéressante mais jamais creusée car on ignore réellement pourquoi Blofeld en veut à ce point à Bond (le peu d'explication donnée étant pas du tout convaincant) et surtout quels sont les motifs de son organisation et pourquoi il s'est embarqué là-dedans. Je rigole à chaque fois de voir avec quelle facilité déconcertante Bond parvient à réduire à néant le repaire de Blofeld. Blofeld passe pour l'archétype du grand vilain par excellence, assis sur son trône dans son repaire diabolique qui veut conquérir le monde parce qu'il est méchant et qui ne fait que proférer des menaces à coup de discours de grand vilain pas du tout nuancé qu'il ne fait que répéter tout du long : ""Je suis l'auteur de tous tes malheurs James. Mouahahahahaha !!!""
Blofeld est une carricature navrante. Entre frustration et gâchis.
CONCLUSION :
Le réalisateur Sam Mendes propose avec Spectre une aventure pleine d'inventivité en matière de mise en scène et d'actions avec quelques bonnes idées autour de la composition musicale, de même que le casting avec une séquence d'ouverture particulièrement divertissante, malgré tout, le rendu final est particulièrement faiblard à cause d'un rythme très mal géré, un scénario maladroit qui fait dans la grossièreté, un final terriblement décevant et chiant, ainsi qu'un antagoniste principal qui aurait dû être bien mieux écrit vu le talent extraordinaire de son interprète.
Une expérience dont je ressors mitigé qui ne doit en grande partie mon "6" qu'à la remarquable séquence d'ouverture avec son opening musical qui déchire.
- 1000 fois tu as croisé ma route et pas une fois tu ne m'as vu. Le Chiffre, Greene, Silva...
- Tous tués.
- Oui. C'est vrai. Un certain mécanisme s'est mis en place. Tu te mêlais de mon univers et je détruisais le tient. Coïncidence ? Croyais-tu que toutes les femmes de ta vie finissent par mourir ? Vesper Lynd par exemple. Oui, elle ça a été son grand amour. Il t'en a parlé de Vesper Lynd. Et ensuite bien sûr ta très chère "M". Parti, à jamais. Moi. Tout ça c'était moi James. Ça a toujours été moi. Je suis l'auteur de tous tes malheurs.