C'est à n'y rien comprendre. L'artisan Sam Mendes, qui avait réussi un travail d'orfèvre sur Skyfall, nous produit avec ce Spectre un pur produit industriel, générique, comme un devoir rendu à contre-cœur aux producteurs Broccoli et Wilson, qui l'avait supplié de rempiler pour un épisode.
Est-il utile de faire l'inventaire de cette démission du cinéaste ? Dans des environnements superbes comme la fête des morts à Mexico aux rues de Rome en passant par le Piz Gloria autrichien, on a droit à de somnifères et grossièrement irréalistes combats motorisés. Disparue la poésie graphique de Skyfall ! On regrette même les séquences speedées, plagiées chez Jason Bourne, de Quantum of Solace, c'est dire !
Plus de morceau de bravoure ou de glamour non plus : les personnages sont en effet tous des spectres d'eux-mêmes, qu'aucun talent scénaristique ne viendra épaissir ou bousculer. La distribution y est sans doute pour quelque chose : alors que Javier Bardem ou Judi Dench sont des acteurs de composition qui apportaient tout leur panache dramaturgique à Skyfall, Christoph Waltz ou Léa Seydoux ont tendance à jouer le même rôle distancié dans tous leurs films, et celui-ci ne leur demande que peu d'implication. La grande Monica Belucci aurait pu faire la différence en femme fatale, mais Bond/Mendes ne se laisse pas distraire et ne lui consacre que quelques minutes avant de la laisser choir comme un goujat.
Je pourrais continuer en parlant de la séance de torture absolument ridicule et absolument dénuée d'enjeu, de l'humour rare mais balourd (ah, Roger Moore se fait bien regretter), des dissensions au MI6 dont on se désintéresse totalement (et oui, il faut encore que Bond se pose en rebelle par rapport à sa hiérarchie, ça devient lassant) ou du second couteau dont je me rappelle à peine, mais peu importe. Mendes, après avoir montré ce qu'il pouvait faire avec Skyfall, nous a montré avec Spectre ce qu'il n'a jamais vraiment voulu réaliser.